Contester au Mali
Formes de la mobilisation et de la critique à Bamako
Karthala
2014
Présentation de l'éditeur
Avant que le putsch du
22 mars 2012 ne fasse voler en éclat cette image, le Mali était ce pays
considéré comme exemplaire du fait de ses institutions démocratiques
et d’une société civile perçue comme ayant contribué à la chute du
régime autoritaire en 1991. C’était aussi ce pays où la protestation
était désignée depuis lors comme quelque chose d’exceptionnel et de
résiduel, comme si, au Mali du consensus, seules les rebellions
touarègues au Nord avaient contesté l’ordre des choses. A rebours de
cette image, le livre revient sur les années antérieures aux
basculements de 2012-2013 qui virent successivement une rébellion
armée, un putsch, une intervention militaire internationale et des
élections de transition se déployer sur le territoire malien. Il saisit
les formes de la mobilisation et de la protestation à Bamako, les
milieux qu’elles impliquent, en essayant de ne pas s’arrêter à l’image
de consensus qui fut souvent accolée au pays. Il montre un monde de
contestation et de mobilisations qui passent par les marches mais aussi
par l’émeute, et les inscrits dans une histoire plus longue du recours
à la rue.
Mais comprendre les mobilisations, qui
ne sont pas toutes protestataires, c’est aussi comprendre leurs
possibilités matérielles et morales. Loin des idées naïves sur les
vertus de la « société civile », loin aussi de la dénonciation tout
aussi caricaturale de l’opportunisme de qui chercherait à faire
carrière à l’international par les ONG, ce livre examine les rapports
ambivalents à l’engagement, aux institutions maliennes et au
nationalisme de celles et ceux qui peuplent le petit monde de la société
civile malienne et de la sphère altermondialiste, et donc beaucoup
accueillirent avec bienveillance le putsch de 2012. Prendre au sérieux
ces formes du dissentiment politique, ce qu’elles disent du rapport à
un État malien en crise, permet assurément de comprendre comment ces
discours, déjà là et disponibles, même s’ils étaient parfois portés par
des intellectuels minoritaires, ont participé au processus très rapide
de délégitimation du régime et du président ATT que les échecs face à
la rébellion avaient déjà fortement affaibli, et ensuite au ralliement
au capitaine Sanogo.
Au-delà du cas malien, l’ouvrage, appuyé
sur une enquête de terrain qui s’est déroulée sur plusieurs années,
entend revisiter les façons routinisées de penser la mobilisation, la
protestation, le dissentiment et leurs conditions matérielles et
morales
Johanna Siméant est professeure au département de science politique de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (Cessp), où elle dirige le master d’études africaines.
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