« Je pense que les peuples ont pris conscience du fait qu’ils avaient des intérêts communs et qu’il y avait des intérêts planétaires qui sont liés à l’existence de la terre, des intérêts que l’on pourrait appeler cosmologiques, dans la mesure où ils concernent le monde dans son ensemble ».
Pierre Bourdieu (1992)


jeudi 3 mars 2016

Patrick Champagne, La double dépendance. Sur le journalisme

Patrick Champagne
La double dépendance
Sur le journalisme
Raisons d'agir
Raisons d'agir
2016

Présentation de l'éditeur
Il est peu de professions qui, comme celle de journaliste, donnent lieu à des représentations sociales aussi contradictoires. Le personnage social du journaliste tend en effet à osciller entre, d'une part, des figures très prestigieuses comme celle du " grand reporter " qui paye parfois de sa vie la couverture des conflits, celle du " journaliste d'investigation " qui lève des scandales et sert ainsi la démocratie ou encore du commentateur politique et, d'autre part, la figure très négative du journaliste corrompu qui fait des articles de complaisance, qui bidonne ses reportages, qui profite des malheurs du monde (on parle des " charognards de l'information ") ou même, qui tels les paparazzis, cherchent de façon purement mercantile à étaler dans l'espace public la vie privée des personnages publics - ou connus du public - devenus pléthore avec la moyens modernes de divertissement (télévision, cinéma, disques, etc.) et les formes encore plus modernes de diffusion (internet, réseaux sociaux, etc.).
Bref, le journaliste est un personnage social trouble, capable du meilleur comme du pire. Au principe de cette représentation sociale pour le moins contrastée : la faible autonomie du champ médiatique. Les journalistes doivent composer avec des contraintes propres au métier (réactivité, urgence, polyvalence parfois antagoniste avec la compétence) mais aussi et surtout fortes contraintes externes, celles qu'exercent les champs politique et économique avec l'assistance de spécialistes en communication.
C'est parce que le risque de " dérapages " est grand que la profession multiplie les codes de déontologie tout en se refusant au nom de la liberté, d'en sanctionner les manquements. De même, le recours massif aux sondages par les médias - sondages préélectoraux, d'opinion, d'audience, de notoriété, etc. - constitue une forme de défense des journalistes qui, à la fois courtisés et méprisés, tendent à s'abriter derrière des pourcentages apparemment scientifiques et donc indiscutables.
Il n'est pas un média qui, aujourd'hui, ne fasse état chaque jour, pour légitimer une opinion, du dernier sondage commandé par lui ou par ses concurrents. Il ne faudrait pas croire cependant que l'introduction de cette pratique, parce qu'elle est peu scientifique, et même souvent d'ordre ludique soit sans effets. Cette " pensée par sondages " qui caractérise de plus en plus le mode de penser des journalistes s'appuie sur l'effet politique qu'exerce l'invocation de la représentativité des enquêtes par sondages et tend à généraliser le principe majoritaire, au détriment de tout autre forme de " participation " politique.
S'appuyant sur des études de cas très concrets - une manifestation de rue, la fausse agression du RER D, la crise du journal Le Monde et les avis de son médiateur, etc. - Patrick Champagne, sociologue des médias, membre de ACRIMED, auteur de Faire l'opinion, paru chez Minuit en 1990 et resté depuis un ouvrage de référence en science politique, nous fait entrer dans les luttes entre les journaux pour produire des événements, voire parfois pour les coproduire et montre comment fonctionne le champ journalistique, cette machine à fabriquer l'actualité.
L'ouvrage qui est écrit dans un langage accessible aux non spécialistes s'adresse à tous ceux, militants associatifs, enseignants ou simples citoyens qui veulent s'informer sur la fabrication de l'information.  

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