« Je pense que les peuples ont pris conscience du fait qu’ils avaient des intérêts communs et qu’il y avait des intérêts planétaires qui sont liés à l’existence de la terre, des intérêts que l’on pourrait appeler cosmologiques, dans la mesure où ils concernent le monde dans son ensemble ».
Pierre Bourdieu (1992)


jeudi 12 avril 2012

Jérémy Sinigaglia, Artistes, intermittents, précaires en lutte. Retour sur une mobilisation paradoxale


Jérémy Sinigaglia  
Artistes, intermittents, précaires en lutte 
Retour sur une mobilisation paradoxale
Préface de Lilian Mathieu
P.U.Nancy
2012

Présentation de l'éditeur
Dans la nuit du 26 au 27 juin 2003 est signé au sein de l'UNEDIC un protocole d'accord qui durcit les règles de l’indemnisation du chômage des salariés intermittents du spectacle. En quelques jours, la mobilisation prend une ampleur qui surprend aussi bien les différents observateurs que les principaux animateurs du mouvement. La « CGT spectacle » appelle à une journée de grève. Des collectifs et des coordinations se forment, se reforment ou se renforcent dans de nombreuses villes et régions de France et organisent la contestation.
Cet ouvrage, qui repose sur une enquête ethnographique menée pendant trois ans auprès d’un collectif d’intermittents en Lorraine et de la coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France, pose la question suivante : comment un groupe hétérogène (artistes, employés, ouvriers, techniciens, ingénieurs de divers secteurs du spectacle) composé de salariés précaires exerçant dans un secteur économique lui aussi précaire, parvient-il à se mobiliser et à agir collectivement ? Répondre à cette question suppose d’abord de comprendre le passage individuel à l’action collective, et pour cela de prêter attention aux ressources des intermittents et à celles que leur apportent leurs soutiens, mais aussi d’observer la manière dont ils ont pu retourner un certain nombre de conditions a priori défavorables à leur avantage. Cela implique ensuite de saisir la manière dont les individus et les groupes engagés ensemble mais aussi concurremment dans la mobilisation se dotent (ou non) d’une identité collective rassembleuse, d’une définition commune des enjeux de la lutte et d’un répertoire d’action partagé.
L’observation de cette mobilisation révèle que ni les situations de précarité que subissent les participants potentiels, ni la désorganisation de leurs secteurs d’activité, ni l’hétérogénéité du groupe a priori concerné ou du mouvement dans son ensemble ne forment en soi les conditions d’impossibilité d’une mobilisation collective ou un frein indépassable à sa réalisation. Dès lors, l’hypothèse contre intuitive qui forme le fil directeur de cet ouvrage est la suivante : non seulement la précarité, l’individualisation et l’hétérogénéité des intermittents du spectacle ne forment pas en elles-mêmes des freins à leur mobilisation, mais elles peuvent à l’inverse, paradoxalement, contribuer à remplir les conditions propices à la réussite de leur mouvement.

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