Les Lundis de l'histoire, Par Roger Chartier, 02.09.2013
Arlette Farge
La déchirure
Souffrance et déliaison sociale au XVIIIe siècle
Bayard
2013
Présentation de l'éditeur
Depuis son travail avec Michel Foucault et Le goût de l'archive, Arlette
Farge sonde les archives de police afin d'appréhender la vie du petit
peuple autrement qu'en termes généraux et de donner ainsi une autre
image du siècle des Lumières.
Dans cet essai, un de ses plus personnels, l'auteur poursuit et tente de dire ce que furent les douleurs de ces êtres de peu, à partir des traces laissées dans les procès-verbaux les interrogatoires ou récits des témoins, qui recensent, de manière implacable, les noyades, accidents, agressions quotidiennes ; à partir aussi des écrits des plus aisés qui la plupart du temps ne voient pas cette misère mais échangent sans cesse sur les maux, bien réels bien que différents, qui affectent leurs propres corps. Les correspondances des plus nobles viennent ainsi s'ajouter aux rares paroles des malheureux pour peindre une société où l'attention au corps, l'expérience de la douleur des plus aisés ne les rend pas moins sourds aux souffrances des autres. Sans cesse recommencé, le travail de l'historienne vient surtout contredire un des discours les plus tenaces sur la douleur, qui voudrait que la dureté de la vie entraîne accoutumance chez ceux qui la subissent et qu'au XVIIIème, une relative indifférence des couches populaires ait précédé une montée de la sensibilité. C'est bien plutôt la société, celle du XVIIIème tout comme la nôtre, qui fabrique toutes sortes d'accommodements avec la violence, la misère et la mort des plus humbles.
Dans cet essai, un de ses plus personnels, l'auteur poursuit et tente de dire ce que furent les douleurs de ces êtres de peu, à partir des traces laissées dans les procès-verbaux les interrogatoires ou récits des témoins, qui recensent, de manière implacable, les noyades, accidents, agressions quotidiennes ; à partir aussi des écrits des plus aisés qui la plupart du temps ne voient pas cette misère mais échangent sans cesse sur les maux, bien réels bien que différents, qui affectent leurs propres corps. Les correspondances des plus nobles viennent ainsi s'ajouter aux rares paroles des malheureux pour peindre une société où l'attention au corps, l'expérience de la douleur des plus aisés ne les rend pas moins sourds aux souffrances des autres. Sans cesse recommencé, le travail de l'historienne vient surtout contredire un des discours les plus tenaces sur la douleur, qui voudrait que la dureté de la vie entraîne accoutumance chez ceux qui la subissent et qu'au XVIIIème, une relative indifférence des couches populaires ait précédé une montée de la sensibilité. C'est bien plutôt la société, celle du XVIIIème tout comme la nôtre, qui fabrique toutes sortes d'accommodements avec la violence, la misère et la mort des plus humbles.
Historienne du XVIIIe siècle, directrice de recherches à l'École des hautes études,
Arlette Farge étudie les comportements populaires à partir des archives de
police. Historienne des relations entre hommes et femmes, elle s'intéresse aussi
à l'image, la photographie et l'écriture de l'histoire. Elle participe à l'émission
La Fabrique de l'histoire sur France Culture et est l'auteur d'une trentaine
d'ouvrages dont Le bracelet de parchemin et Essai pour une histoire des voix aux
éditions Bayard.
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