L’association « Champ libre aux sciences sociales » tiendra son
Assemblée générale constituante le samedi 6 octobre, de 10h30 à 13h30 à
l’Ecole Normale Supérieure, salle Cavaillès, 45 rue d’Ulm, 75005 Paris.
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Appel « Sciences sociales, sciences critiques »
30.08.2012
A call from the French association « Champ libre aux sciences sociales » for collective action against the politics of deterioration of the conditions of production and diffusion of critical social science. It proposes amongst others the creation of zones free from commercial interest within editions and within the domain of translations as well as the formation of solidarities that engender the diffusion of critical social knowledge amongst and its appropriation by most people.
Les sciences sociales n’ont jamais été aussi nécessaires. Elles
n’ont jamais été aussi menacées. Non de disparaître mais, plus
sournoisement, d’être anesthésiées dans ce qui est à leur fondement, la
critique, critique sociale et critique théorique sans lesquelles il
n’est de sciences sociales dignes de ce nom.
Bureaucratisation de la vie académique, routinisation des procédures
de recherches, précarisation des moyens scientifiques, prolétarisation
des acteurs de la recherche, marchandisation des biens intellectuels,
les conditions de production et de diffusion des sciences sociales ne
cessent de se dégrader. Leur identité est en jeu que ce soit dans les
institutions d’enseignement (lycée, université), organismes de
recherche, ou sur les rayons des bibliothèques ou de librairie.
La définition même du travail scientifique est en cause :
construction des objets de recherche, élaboration des instruments
d’analyse (problématique, concepts, méthodes), démarche comparative dans
l’espace et dans le temps, réflexivité fondée sur la connaissance des
fondements sociaux et épistémologiques des disciplines et des formes de
pensée. Ces procédés, ces procédures, ces argumentaires trouvent de
moins en moins leur place, notamment sur le marché éditorial.
Cette asthénie scientifique impose une réaction. Celle-ci ne saurait
se limiter à la défense de l’une ou l’autre des disciplines
constituées. La pensée critique est autant une manière de penser qu’une
manière d’agir : penser pour agir mais aussi agir pour penser, penser
le monde social et ses multiples transformations. Face au double danger
de l’académisation et de la marchandisation des productions des
sciences sociales, nous voulons créer un espace autonome où puissent se
retrouver et se rencontrer ceux qui attendent de ces dernières ni
redondance ni connivence, mais un véritable travail de pensée.
Car aujourd’hui, les sciences sociales n’ont pas l’écho qu’elles
devraient et qu’elles pourraient avoir. Leurs producteurs ont toujours
au moins un temps et un coup de retard. Et ce n’est pas sans étonnement
ni nostalgie que nombre d’entre eux se souviennent de la conjoncture
des années 1990, lorsque Pierre Bourdieu constituait dans le monde, et
mieux qu’en France, une référence écoutée. Les programmes de formations
des enseignants du secondaire se définissent dorénavant, et bien plus
qu’avant, en fonction des attentes que les managers voudraient voir
reconnues par les usagers. Le travail d’enquête tend à disparaitre. Trop
de travaux de ce type s’orientent en fonction de la dernière
perception à la mode des débouchés, entre autres par les étudiants.
Emportés par des impératifs commerciaux intellectuellement discutables,
beaucoup d’éditeurs ne laissent pas leur chance à des recherches qui,
par définition, n’ont pas les faveurs des mieux nantis. Les espaces de
diffusion concédés à l’exercice intellectuel sont devenus des réserves
et ceux qui restent sont abandonnés aux experts officiels.
Une dynamique qui s’entretient d’elle-même menace ainsi de
disparition un style de produits intellectuels distanciés et critiques,
mal reconnus et mal connus.
Il est vrai que les sciences sociales rencontrent des difficultés propres :
- Elles doivent convaincre que la recherche peut mieux connaître les relations de la vie quotidienne que ceux qui sont pris au sein de celles-ci.
- La technique nécessaire aux sciences sociales fait souvent rejeter leurs propos réputés incompréhensibles.
- Le sociologue, et notamment le sociologue politique, est toujours suspecté par l’anti-intellectualisme ordinaire de prétendre au prophétisme.
- Les mécanismes les plus subtils d’assujettissement sont d’autant plus aisément supportés qu’ils restent invisibles, comme l’air qui pèse sur nos épaules.
- S’agit-il d’expliquer des phénomènes sociaux ? La spécialité des sociologues, qu’on ne discuterait pas une seconde à un biologiste, un physicien, un économiste, est immédiatement jugée insupportable par le premier journaliste venu.
On n’arrive pourtant pas à croire que les
sciences sociales soient inutiles : au contraire. Entre autres, pour
faire échapper à la culpabilisation que l’univers concurrentiel tend à
accentuer. Mais aussi parce que la maîtrise des armes pour se défendre
contre la domination culturelle fait partie de la culture
indispensable. Si enfin elles étaient entendues, la sociologie pourrait
même prévenir parfois les politiques publiques et les entreprises
politiques que l’on sait d’avance vouées à l’échec. Elle pourrait aider
à mettre en question la violence des routines bureaucratiques et les
aliénations par le travail. Est-ce que le seul avenir envisageable est
l’entreprise généralisée et le marché son instrument indiscutable ?
Est-ce que le probable épuise l’univers des possibles ? Les sciences
sociales ne cessent de rappeler que ce que l’histoire a fait,
l’histoire peut le défaire.
Nous pensons souhaitable de donner une force éditoriale rénovée aux
résultats des enquêtes en sciences sociales. Nous pensons souhaitable
d’en assurer une vulgarisation informée, une diffusion élargie.
L’association « Champ libre aux sciences sociales » se propose, par
la force des sociologues qu’elle met en réseau, d’augmenter leur
capacité collective à être plus librement publiés, plus largement
entendus, plus facilement mis à la disposition de ceux qui ne se font
pas au monde tel qu’il va. Elle voudrait constituer et consolider des
zones libres dans l’édition et la traduction. Elle oeuvrera, en outre, à
créer des solidarités, pour que les acquis des sciences sociales
servent et soient discutés par le plus grand nombre, avec l’espoir
qu’ils deviennent populaires.
Catherine
Achin (Université Paris Est Créteil)
Martina
Avanza (Université de Lausanne)
Alban
Bensa (EHESS)
Laure
Bereni (CNRS)
Stéphane
Beaud (Ecole Normale Supérieure)
Willy
Beauvallet-Haddad (Université de Strasbourg)
Sophie
Béroud (Université Lyon 2)
Romain
Bertrand (CERI Sciences-Po)
Céline
Bessière (Université Paris Dauphine)
Anna
Boschetti (Université de Venise)
Sylvain
Broccolichi (Irises Université Paris Dauphine)
Isabelle
Bruno (Université Lille 2)
Donald
Broady (Université d’Uppsala)
Marie
Cartier (Université de Nantes)
Christophe
Charle (Ecole Normale Supérieure)
Isabelle
Charpentier (Université Versailles Saint Quentin en Yvelines)
Eric
Darras (LaSSP Institut d’Etudes Politiques de Toulouse)
Marine
De Lasalle (Université de Strasbourg)
Christian
De Montlibert (Université de Strasbourg)
Abram
De Swaan (Université d’Amsterdam)
Yves
Dezalay (CNRS)
Paul
Dirkx (Université Nancy 2)
Keith
Dixon (Université Lyon 2)
Jacques
Dubois (Université de Liège)
Vincent
Dubois (Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg)
François-Xavier
Dudouet (Université Paris Dauphine)
Jean-Michel
Faure (Université de Nantes)
Sylvia
Faure (Université Lyon 2)
Olivier
Fillieule (Université de Lausanne)
Julien
Fretel (Université de Picardie)
Philippe
Fritsch (Université Lyon 2)
Sandrine
Garcia (Université Paris Dauphine)
Bertrand
Geay (Université de Picardie)
Julie
Gervais (Université Paris 1)
Boris
Gobille (Ecole Normale Supérieure Lyon)
Sybille
Gollac (Ecole Normale Supérieure)
Caroline
Guibet-Lafaye (CMH CNRS)
Johan
Heilbron (CESSP Paris, EUR Rotterdam)
Odile
Henry (Université Paris-Dauphine CSE-EHESS)
Nicolas
Jounin (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis)
Joseph
Jurt (Université de Fribourg)
Michel
Koebel (Université de Strasbourg)
Bernard
Lacroix (Université Paris Ouest Nanterre)
Rose-Marie
Lagrave (EHESS)
Sylvain
Laurens (EHESS)
Frédéric
Lebaron (Université de Picardie)
Jacques
Le Bohec (Université Lyon 2)
Catherine
Leclercq (Université de Poitiers)
Rémi
Lefebvre (Université de Lille 2)
Bernard
Lehman (Université de Nantes)
Rémi
Lenoir (Université Paris 1 CSE-EHESS)
Olivier
Masclet (Université Paris V)
Lilian
Mathieu (Ecole Normale Supérieure Lyon)
Gérard
Mauger (CSE CNRS)
Jérôme
Meizoz (Université de Lausanne)
Christine
Menesson (Université Toulouse 3)
Julian
Mischi (INRA)
Mathias
Millet (Université de Poitiers)
Jose-Luis
Moreno Pestana (Université de Cadix)
Erik
Neveu (Institut d’Etudes Politiques de Rennes)
Frédéric
Neyrat (Université de Limoges)
Nicolas
Offenstadt (Université Paris 1)
Cécile
Péchu (Université de Lausanne)
Willy
Pelletier (Université de Picardie)
Michel
Pialoux (CSE EHESS)
Franck
Poupeau (CRESPA-CSU)
Bertrand
Réau (Université Paris 1)
Philippe
Riutort (Laboratoire Communication et politique, Lycée Henri IV)
Joseph
Romano (Université Nancy 2)
Violaine
Roussel (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis)
Guillaume
Sacriste (Université Paris 1)
Grégory
Salle (Clersé CNRS)
Olivier
Schwartz (Université Paris 5)
Franz
Schulteis (Université Saint Gallen)
Julie
Sedel (Université de Strasbourg)
Yasmine
Siblot (Université Paris 1)
Arnault
Skornicki (Université Paris Ouest Nanterre)
Eric
Soriano (Université Montpellier 3)
Charles
Soulié (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis)
Lucie
Tanguy (GTM CNRS)
Sylvie
Tissot (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis)
Antoine
Vauchez (Université Paris1)
Xavier
Vigna (Université de Bourgogne)
Christophe
Voillot (Université Paris Ouest Nanterre)
Bernard
Voutat (Université de Lausanne)
Laurent
Willemez (Université Versailles Saint Quentin en Yvelines)
Tassadit
Yacine (LAS, EHESS)
Claire
Zalc (IHMC Ecole Normale Supérieure)
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