« Je pense que les peuples ont pris conscience du fait qu’ils avaient des intérêts communs et qu’il y avait des intérêts planétaires qui sont liés à l’existence de la terre, des intérêts que l’on pourrait appeler cosmologiques, dans la mesure où ils concernent le monde dans son ensemble ».
Pierre Bourdieu (1992)


vendredi 15 mars 2013

[KE] Magazine Social Sciences (Issue 2-3)

[KE] Magazine Social Sciences (Issue 2-3)
Annual Trilingual Review of Social Research
Editor: Nikos Panagiotopoulos

2013

Résumés

Nikos Panayotopoulos
Introduction à la socioanalyse

L’ article vise à présenter les principes de socioanalyse, de la méthode qui comme, selon Pierre Bourdieu, une accumulation des résultats d’ une réflexivité sur les outils et les acquis de l’ approche à la fois objective ou structurelle et de type clinique, a été mis en oeuvre à une enquéte sur les formes de souffrance que la crise économique et sociale en Grèce, aujourd’hui, produit, dont une partie des résultats est présentée dans ce numéro.


Franz Schultheis
Socioanalyse par-delà les frontières. Pour un espace transnational des sciences sociales

Tandis que le processus de «mondialisation» tel qu’ il se manifeste par exemple dans le monde des finances, avance avec une vitesse fulgurante, accompagné de toute une multitude de signes de crise et d’anomie, la recherche en sciences sociales autour de ces processus quant à elle reste encore largement restreinte aux contextes nationaux respectifs, même si certains grands colloques tout comme la publication de recueil de textes scientifiques internationaux peuvent nourrir l’ illusion qu’ une simple mise ensemble de contributions autour d’ une problématique venant de différents contextes nationaux puisse ouvrir la voie à des perspectives et des diagnostiques transnationaux digne de ce nom. Afin de parvenir à la mise en place d’ une telle stratégie de recherche critique trop longtemps attendée, le sociologue ne peut faire l’ économie d’ aller lui-même sur des terrains d’ investigation au-delà de son contexte social habituel et profiter de son statut et de son habitus d’étranger comme une sorte de ressource heuristique particulière, lui permettant de garder une distance réflexive par rapport au «ca-va-de-soi» du monde quotidien observé, et de profiter de son non-implication directe dans les jeux et les enjeux sociaux en cours comme ressource d’ objectivation sociologique participante.

Nikos Panayotopoulos & Franz Schultheis (dir.)
Claire Andreou, Natassa Kondyli, Ioanna Mikrogiannaki, Aliki Panagi, Eva Papoti, Yiota Psarrou, Michael Gemperle & Patricia Holder

Entretiens

Une jeune femme «vielle»: entretien avec un travailleur en chômage
Un avenir incertain: entretien avec un chômeur
L’économie du besoin: entretien avec une retraitée
Un équilibre très fragile: entretien avec un architecte
Double contrainte: entretien avec un médecin
La société des expectations «disparues»: entretien avec un aide-enseignant
Une vie qui …«s’est envolée»: entretien avec une enseignante de l’éducation spéciale
«L’éthique des affaires» dans la survie de faire des affaires: entretien avec un entrepreneur
La présence absente: entretien avec un étranger
«Les droits fondamentaux de l’homme je veux, rien de plus»: entretien avec deux enseignantes

Nikos Panayotopoulos & Maria Vidali
La misère de la politique
Eléments pour une sociologie de la gestion de nouvelles «classes dangereuses»

Dans cet article une analyse s’est proposée, une analyse de la sociogenèse du processus d’autonomisation d’une nouvelle pratique gestionnaire collective de la protection sociale qui tend à s’établir dans l’état social grec contemporain, a un degré, comme un produit du modus operandi et des fonctions du champ des institutions et des agents qui constituent l’espace de la politique sociale. De cette façon, le présent article est une contribution à l’histoire de l’état social grec contemporain.

Stavros Tombazos
Eléments pour la compréhension de la crise capitaliste

La crise économique mondiale ne résulte pas d’une chute du taux de profit, mais d’un schéma de reproduction du capital, caractérisé par un taux d’exploitation très élevé, qui permettait la réalisation de la valeur à travers une accumulation de dettes insoutenables sans précédent d’une part, et une accumulation de valeurs fictives de l’autre. Dans ce cadre, la dérégulation de la finance était indispensable. La transformation progressive de la crise financière en une crise de la dette publique constitue une tentative du capital de diminuer sa propre dévaluation. Cette tentative cependant conduit à l’érosion de l’acquis social et démocratique et rend la lutte des classes plus aigüe, de sorte que la crise économique se transforme en une crise de civilisation: les impératifs capitalistes s’opposent, actuellement de manière ouverte, aux valeurs explicites ou implicites de la «civilisation occidentale».

François Chesnais
Les cinq premières années de la crise économique et financière mondiale actuelle

Cet article distingue trois phases dans la progression de la crise économique et sociale mondiale à ce jour. Il examine en plus grand détail d’abord la phase initiale de tempête financière liée aux titres hypothécaires subprime et ensuite la crise des banques européennes commencée en 2010 dans laquelle les titres vulnérables sont les titres de dette publique. Mais l’article cherche aussi à comprendre les raisons de la capacité du système à contrecarrer les effets de ses contradictions fondamentales ainsi que des mirages nés du fétichisme de l’argent, à imposer l’austérité quand ce n’est pas la misère, faisant ainsi de la crise un terrain d’application de la doctrine du choc. C’est ainsi que la définition de la financiarisation est élargie. Elle est une époque marquée par une très forte centralisation et concentration tant du capital industriel que du capital porteur d’intérêt. Celle aussi dans laquelle le capital a continuellement accru l’ampleur de son appropriation de valeur et de plus value en établissant une mainmise sur la vie sociale dans un grand nombre de dimensions.

Michel Husson
Economie politique du «système-euro»

Cet article cherche à montrer comment la crise actuelle de la zone euro renvoie aux défauts originels de conception du «système-euro» dont les contradictions, révélées par la crise financière, sont de nature structurelle. Cette démonstration est menée en mobilisant une méthodologie statistique et analytique qui donne à cette étude un caractère «technique». Mais c’est une étape nécessaire pour déboucher sur un diagnostic plus solide sur les issues possibles de la crise actuelle, ou plutôt de sa dimension spécifiquement européenne. Cette crise a des racines plus profondes que le symptôme dans lequel elle s’incarne, à savoir une crise des dettes souveraines. Dès lors, il n’existe que deux issues apportant une réponse adaptée à la nature structurelle de la crise européenne: soit l’éclatement du système-euro, soit sa refondation radicale. Les autres se bornent à étaler les contradictions dans le temps ou à programmer une régression socialement inacceptable.

Christian de Montlibert
Les souffrances de l’émigré-immigré dans l’œuvre d’Abdelmalek Sayad

Abdelmalek Sayad a consacré l’ensemble de ses travaux à l’étude de migrations. Après avoir mené avec Pierre Bourdieu des recherches sur les effets de la colonisation («Le déracinement») A. Sayad étudiera le phénomène de l’immigration dont il montre qu’il est toujours précédé d’une émigration dont il faut comprendre les causes et les caractéristiques. L’émigration-immigration résulte bien souvent de marchandages entre Etats; elle engendre de nombreuses illusions dont celle du «provisoire» et du «retour». En analysant ces situations, Sayad montre quelles sont les souffrances des immigrés liées aux conditions d’existence et aux propriétés des positions sociales qu’occupent les immigrés dans les deux espaces sociaux que sont la société d’accueil et la société de départ. Souvent en porte à faux dans l’une et dans l’autre, les immigrés souffrent d’une «double absence».

Franck Poupeau
Périphéries
Note de recherche sur l’ethnographie des inégalités environnementales à El Alto (Bolivie)

Enquêter sur la question de la justice environnementale dans un contexte urbain très défavorisé se heurte à plusieurs difficultés. L’enquêteur semble en effet condamné à constater que l’inégale capacité des résidents à se protéger des nuisances qui affectent leurs quartiers est liée à leurs mauvaises conditions d’accès à des services urbains et à l’insuffisance, voir l’inexistence, des politiques d’aménagement des territoires. Les inégalités environnementales sont alors pensées comme une simple déclinaison des inégalités sociales. On reviendra sur ce problème à partir d’une enquête menée à la fin des années 2000 sur les inégalités socio-spatiales d’accès à l’eau à El Alto, afin d’engager une réflexion sur les méthodes et les niveaux d’analyse utilisées. 

(merci à Yiota Psarrou pour les résumés en français)

Aucun commentaire: