Les Belles Lettres
2012
Présentation de l'éditeur
« On va les soigner en prison! ». Qui n'a entendu cette phrase à
l'occasion d'un fait divers tragique? Comme si la mission de la prison
(punir et réinsérer) intégrait désormais un nouvel objectif: soigner.
Or, la prison, à la différence de l¹hôpital, n'est pas un lieu de soin
même si c'est un lieu où l'on soigne.
Le face à face du médecin et du patient incarcéré est une situation
exemplaire pour toucher du doigt l'ambivalence de la prison, tendue pour
ne pas dire déchirée entre ses deux finalités, répressive et
préventive, mais aussi l'ambivalence de la médecine, prise à la fois
dans la nécessité d'objectiver le corps malade et de s'adresser à une
personne.
Cette réflexion sur la médecine carcérale défend l'idée que le médecin
exerçant en prison est en danger quand, comme ses prédécesseurs du XIXe
siècle, il se satisfait d'une approche scientiste, technique, cesse de
s'occuper de son patient singulier, s'associe à l'institution
pénitentiaire afin d'établir le « profil » des personnes captives,
décider de leur vulnérabilité, ou de leur dangerosité, et enferme les
personnes dans leur conduite nommée comportement , au lieu de les
aider à retrouver du jeu, de la liberté, de la vie.
Dans son exercice en milieu pénitentiaire, le médecin peut résister, en
faisant ce qu'il sait faire, de la médecine, en luttant contre les
dispositifs illusoires qui visent à la transparence, à l'évaluation et à
la prévision, et en gardant l'exigence éthique au centre de son métier.
Anne Lécu exerce la médecine dans une maison d'arrêt d'Ile de France depuis 1997. Elle a publié Des larmes (Cerf, 2012) et Où es-tu quand j¹ai mal? (avec Bertrand Lebouché, Cerf, 2005).
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