Évariste Galois
La fabrication d’une icône mathématique
EHESS
2011
Présentation de l'éditeur
Comment Évariste Galois, tué en duel à 21 ans, a-t-il
pu devenir célèbre au point qu’une théorie algébrique porte son nom ?
Caroline Ehrhardt s’intéresse à son parcours individuel et interroge les
pratiques des mathématiques, notamment dans le milieu scolaire.
Tué au cours d’un duel en 1832, Évariste Galois
fut avant d’être reconnu pour sa théorie des groupes célébré par les
républicains qui se sont emparés de la mémoire de ce jeune jeté en
prison deux fois pour son engagement. Ce n’est qu’une dizaine d’années
après sa mort prématurée que ses travaux mathématiciens furent publiés
et reconnus. La légende du génie malheureux incompris de ses
contemporains était née. Caroline Ehrhardt s’intéresse à la fois à
l’individu, et au contexte savant dans lequel ce jeune étudiant
s’inscrivait. Elle interroge ainsi les pratiques des mathématiques,
notamment dans le milieu scolaire où se forma Galois. Comment
étaient-elles enseignées ? Quels étaient les sujets d’examens à l’école
polytechnique où Galois fut un candidat malheureux avant de se
rabattre sur l’École normale ? À la croisée de l’histoire sociale et de
l’histoire des mathématiques, l’auteur apporte un portrait complet du
mathématicien loin du mythe, et contribue à enrichir l’histoire de
l’enseignement.
Extrait de la préface (Éric Brian, p. 9-13)
"Les sciences sociales et l’histoire ont-elles quelque chose de
pertinent à dire sur les mathématiques ? Les sciences sociales y
gagnent-elles quoi que ce soit ? Et leur propos a-t-il de quoi
intéresser les mathématiciens ? À ces questions, l’étude que Caroline
Ehrhardt a consacrée à la brève vie d’Évariste Galois, à son activité
effective et aux époques de sa postérité conduit à répondre trois fois
oui. Or on touche ici à certains des domaines les plus exemplaires et
les plus abstraits des mathématiques contemporaines : la théorie des
groupes et celle des structures algébriques. [...]
L’objet de sciences sociales et de l’histoire, ici, n’est pas la
ressemblance de certains aspects des activités scientifiques avec
d’autres activités humaines, mais l’abstraction même, c’est-à-dire les
opérations concrètes – humaines ou sociales comme on voudra – par
lesquelles les traces de l’activité savante et les formes de
raisonnement qui y sont associées gagnent une portée temporelle qui
dépasse tout à fait leurs conditions datées de production, c’est-à-dire
un degré très élevé d’autonomie relative par rapport aux activités
comparables. [...]
Caroline Ehrhardt explore-t-elle avec persévérance l’apport en histoire
des mathématiques de démarches familières aux historiens généralistes,
telles l’histoire intellectuelle et l’histoire matérielle de
l’abstraction à la manière de Jean-Claude Perrot, ou bien aux
sociologues généralistes, telle la théorie de la mémoire collective de
Maurice Halbwachs, théorie qui connaît aujourd’hui un regain d’intérêt
considérable dans le monde entier. Caroline Ehrhardt démontre par
l’exemple la portée en histoire des sciences de démarches aujourd’hui
bien identifiées dans les domaines les plus généraux de l’histoire et
des sciences sociales qui ont effectivement, on le voit, quelque chose
de pertinent à dire sur les mathématiques.
À ces disciplines généralistes, elle apporte deux éléments précieux. En
premier lieu, c’est un registre de comparaisons inépuisables qui
permettra de mieux cerner ce qui caractérise les plus abstraites des
activités humaines. Mais c’est aussi un approfondissement de certains
aspects de la théorie de la mémoire collective dans le cas d’activités
hautement stylisées, hautement institutionnalisée. Il renforce le
domaine des memory studies
où la production est aujourd’hui très intense. Il est clair que les
sciences sociales ont ici beaucoup à gagner pour disposer des moyens de
traiter de front la production et la transmission des choses les plus
abstraites.
Mais l’un des aspects à mes yeux les plus inattendus de la réception des
recherches de Caroline Ehrhardt est sans doute celle que les chercheurs
en mathématiques inscrits dans la postérité galoisienne lui accordent
aujourd’hui. Ils découvrent en effet dans ses travaux une densité de
textes liée d’une manière ou d’une autre à l’œuvre de Galois. Ils
saisissent les conditions dans lesquelles ils ont été écrits et leurs
enjeux souvent perdus de vue. L’histoire des mathématiques a ainsi gagné
en épaisseur, en densité, en variabilité, non seulement pour les
sciences sociales mais encore pour les mathématiciens spécialisés
eux-mêmes. Les recherches de Caroline Ehrhardt ouvrent ainsi des pans
oubliés et donc insoupçonnés de lisibilité proprement mathématique.
Voici qui intéresse les mathématiciens."
Chargée de recherche au Service d’histoire de l’éducation (Institut français de l’éducation, Lyon), Caroline Ehrhardt est agrégée de mathématiques et docteur en histoire.
Site du bicentenaire de la naissance d'Évariste Galois (Soc. Math. Fr.).
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