Agone, 54
Les beaux quartiers de l’extrême droite
Agone
13 juin 2014
Présentation de l'éditeur
Coordination Samuel Bouron et Maïa Drouard
Le Front national en
particulier et l’extrême droite en général aiment à se présenter comme
les porte-parole de la colère des « sans-grades ». Ce leitmotiv est
parfois repris tel quel par les journalistes et sondeurs qui dressent
volontiers des classes populaires un portrait réactionnaire. Ce racisme
de classe journalistique occulte un point essentiel. Se réclamant d’une
légitimité « par en bas », les réactionnaires d’aujourd’hui opèrent un
important travail de normalisation qui prend appui sur différentes
fractions du champ du pouvoir avec la complicité d’une partie de la
grande bourgeoisie et des élites. On connaît mal les alliances que
certains leaders et militants tissent dans ces lieux : la haute fonction
publique, les fondations culturelles d’utilité publique, la philosophie
ou la sociologie académique, le monde des lettres dont les œuvres de
quelques auteurs sont inscrites au panthéon de l’édition… Prenant appui
sur les codes de la sociabilité mondaine, se diffusant dans les « clubs
», les vernissages, les salons académiques, ces entrepreneurs en
réaction assurent un mélange souvent imprévisible de références de
droite et de gauche qui entretient toutes les confusions sans nuire,
hélas, à l’efficacité.
Ce numéro explore quelques aspects d’une nébuleuse qui, plus ou moins
formellement, mais objectivement, constitue le terreau qui permet à
l’extrême droite de commencer à jouer un rôle social dont elle a
longtemps été privée.
Au sommaire— Alain Bihr, « L’extrême droite à l’université : le cas Julien Freund », avec une introduction de Sylvain Laurens
— Maïa Drouard, « Le patrimoine pour tous. Étude d’une contribution de l’extrême droite au maintien des classes dominantes »
— Samuel Bouron, « Un militantisme à deux faces : stratégie de communication et politique de formation des Jeunesses identitaires »
— Sylvain Laurens, « Le Club de l’Horloge et la haute administration : promouvoir l’hostilité à l’immigration dans l’entre-soi mondain »
— Stéphanie Chauveau, « Au-delà du cas Soral : corruption de l’esprit public et postérité d’une nouvelle synthèse réactionnaire »
— Michel Vanoosthuyse, « Ernst Jünger, itinéraire d’un fasciste clean : dernières publications, derniers masques »
— Évelyne Pieiller, « Céline mis à nu par ses continuateurs, même »
— Thierry Discepolo, « À l’abri de la religion littéraire française. L’« affaire Millet » comme erreur d’ajustement d’un consensus hégémonique apolitique »
La leçon des choses
— « Alfred Döblin et la littérature comme activité politique. “État et écrivain” », textes traduits de l’allemand par Michel Vanoosthuyse et introduits par Marie Hermann
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