Jean-Marie Harribey
La richesse, la valeur et l'inestimable
Fondements d'une critique socio-écologique de l'économie capitalisteLes Liens qui Libèrent
2013
Présentation de l'éditeur
La richesse
est le trou noir de ladite science économique. Se réduit-elle à la
valeur économique des marchandises produites par le capitalisme ? Pour
sortir de la crise du capitalisme mondial, inédite par son ampleur et
par son double caractère social et écologique, faut-il procéder à une
fuite en avant productiviste ? La théorie économique dominante ne sait
pas répondre à ces questions parce qu’elle assimile la valeur d’usage à
la valeur d’échange, parce qu’elle postule que l’accumulation infinie du
capital est porteuse de bien-être et parce qu’elle est persuadée que
les forces libres du marché conduisent à l’optimum et l’équilibre pour
la société.
Ce livre propose une critique sociale et écologique de l’économie
capitaliste contemporaine en effectuant un retour sur l’économie
politique, d’Aristote à Smith et Ricardo, et sur sa critique radicale
accomplie par Marx : le travail est le seul créateur de valeur
économique, et cette valeur acquiert une reconnaissance sociale à
travers l’échange monétaire, que celui-ci soit marchand ou non marchand.
Il s’ensuit que le travail effectué dans les services collectifs non
marchands est éminemment productif, définissant un premier champ de la
richesse autre que marchande. Mais ce dernier n’est pas le seul :
s’ajoutent aussi celui des richesses naturelles et celui qui concerne
toutes les formes non monétaires de la socialité.
On comprend alors la stratégie néolibérale consistant à repousser
toujours plus loin les frontières qui séparent le monétaire du
non-monétaire et le marchand du non-marchand pour agrandir constamment
les premiers termes de ces deux binômes. Services publics, protection
sociale, ressources naturelles, connaissances sont voués à sortir de
l’espace du bien commun, utilisé à des fins non lucratives, pour entrer
dans celui de la valorisation du capital. Toutes les instances
internationales s’activent aujourd’hui pour donner un prix à la nature,
aux services qu’elle rend, non pas pour mieux protéger celle-ci et
pérenniser ceux-là, mais pour les faire entrer dans l’orbite du calcul
économique de la rentabilité. De la même manière, ces institutions se
sont emparées du thème de la définition de nouveaux indicateurs de
richesse, afin d’additionner ce qui n’est pas additionnable, ignorant
que tout ne relève pas de l’économique, poussant même jusqu’à réduire au
même dénominateur valeur économique et valeurs éthiques.
Ainsi, la richesse ne se réduit pas à la valeur, la valeur d’usage ne
se réduit pas à la valeur d’échange. Et ce qui est mesurable
monétairement ne couvre pas ce qui est inestimable : sur notre planète
et dans la vie des sociétés, il existe des registres incommensurables
entre eux. La prétention de l’économie dominante est de penser pouvoir
les agréger. L’ambition de ce livre est de refonder une critique
théorique pour contribuer à réduire l’emprise de la création de valeur
destinée au capital, à promouvoir celle qui est sans but lucratif pour
répondre à des besoins sociaux, et à respecter les équilibres naturels
qui sont sources de richesses indispensables à la vie. Là où le domaine
du marchand se termine commencent celui du non-marchand et celui de la
gratuité. Là où le travail productif aliéné recule s’ouvre la
possibilité d’un travail productif de richesse collective.
Un
ouvrage majeur qui, déconstruisant la notion de valeur dans l’histoire
économique, ouvre des perspectives novatrices dans la manière
d’appréhender le rôle de l’économie dans nos sociétés.
Jean-Marie Harribey est professeur
agrégé de sciences économiques et sociales et maître de conférences
honoraire à l’Université Bordeaux IV. De 2006 à 2009, il est actuellement coprésident des « Économistes atterrés ». Il a déjà publié notamment L’économie économe (L’Harmattan, 1997), La démence sénile du capital (Le Passant ordinaire, 2002), Raconte-moi la crise (Le Bord de l’eau, 2009).
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