Savoir/Agir, 38, décembre 2016, Des alternatives à géométrie variable
éditions du Croquant
Présentation de l'éditeur
dossier coordonné par Jean-Baptiste Comby
Dans la lignée de nombreuses productions culturelles, le récent succès
du film Demain a été perçu comme un indice fort de l’attrait grandissant
pour des manières d’être, de faire et de s’organiser empruntant des
chemins de traverses et dérogeant aux attendus de l’ordre établi. Cette
adhésion croissante à « l’alternative » comme catégorie d’action
militante résulte de logiques matérielles et symboliques que les
sciences sociales mettent peu à peu au jour. En proposant un aperçu de
ces recherches aux confins de la sociologie de l’engagement politique,
du travail ou des modes de vie, ce dossier aide à saisir les ressorts
collectifs et subjectifs de ces mobilisations qui revendiquent en
expérimentant.
Deux articles adoptent une approche relationnelle pour observer comment
se structure un espace social des alternatives d’une part, et un
sous-champ des médias alternatifs d’autre part. A sa façon, chacun de
ces espaces révèle des recompositions à l’œuvre au sein des fractions
culturelles et économiques de la petite bourgeoisie. Deux autres textes
resserrent la focale sur l’agriculture biologique. Le premier montre que
les mobiles de l’entrée en agriculture non conventionnelle ne sont pas
toujours politiques et tiennent à la position sociale occupée avant la
réorientation. C’est encore à partir du poids des socialisations que le
second texte rend cette-fois compte des coûts différenciés du maintien
dans les alternatives agricoles.
Pour mettre politiquement en perspective ces quatre articles, deux
autres rendent compte d’engagements plus radicaux. Un texte revient
ainsi sur le rapport de l’avant-garde situationniste avec les classes
populaires. Il souligne son ambivalence et les difficultés des projets
de transformation sociale à penser stratégiquement « le peuple ». Or les
collectifs révolutionnaires contemporains se donnent souvent comme
objectif de développer des leviers de politisation efficaces au sein des
classes populaires. Un sixième article s’appuie ainsi sur
l’ethnographie d’un lieu d’aide aux démunis animé par des militants dits
« autonomes », pour montrer comment en favorisant la mise en suspens du
sens pratique, ils peuvent oeuvrer à la politisation des participants
aux ateliers. Enfin, un entretien réalisé avec le collectif Mauvaise
Troupe sur la zad de Notre-Dame-des-Landes ouvre des pistes fécondes
pour comprendre à quelles conditions les « alternatives » peuvent être
porteuses de transformation sociale.
En effet, au terme de ces sept contributions illustrant la géométrie
sociopolitique variable des mouvements « alternatifs », il apparaît que
leur articulation avec des projets politiques radicaux, bien qu’elle
soit probablement la condition de leur extension, n’aille pas toujours
de soi, n’en déplaise à leurs détracteurs comme à leurs promoteurs.
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