Jacques-Louis Lantoine
Spinoza après Bourdieu
Politique des dispositions
Sorbonne
La philosophie à l'œuvre
2018
Présentation de l'éditeur
Le paradoxe fondamental qui vient à la fois constituer et mettre en
péril la politique, c'est qu’il n’y a pas d’autorité des institutions et
des lois sans le soutien au moins tacite et spontané de la multitude,
multitude dont il s’agit en même temps de reconnaître qu’elle est
composée d’individus et de groupes sociaux qui désirent n’en faire qu’à
leur tête. Ce paradoxe est souvent dénié par les philosophies politiques
qui se contentent d’invoquer une légitimité idéale pour justifier une
obéissance en droit. Les concepts de disposition et d’habitus,
tels qu’ils sont théorisés par Pierre Bourdieu, permettent de comprendre
à même la pratique comment s’établit, de fait, la domination d’un
ordre. Spinoza, tout en s’accordant sur des points fondamentaux avec le
sociologue, insiste néanmoins sur la dimension passionnelle et donc
inconstante des dispositions, et par là assume davantage encore le
paradoxe. Un pouvoir n’est obéi que s’il sait se faire désirer, qu’il
soit légitime ou non. C’est alors une conception de l’État et des
institutions politiques tout à fait originale qu’élabore le Traité politique,
où il s’agit moins de les fonder en légitimité que de les faire
fonctionner malgré, et même par, les passions pourtant inconstantes et
variées du vulgaire. Encore faut-il que cette domination s’exerce au
profit de tous et de chacun : une Realpolitik, au sens de
Pierre Bourdieu, est ainsi constituée par Spinoza, où le pouvoir n’est
détenu par personne en particulier, mais dispose tous les citoyens à la
concorde et à la paix, malgré eux mais, autant que possible, de bon gré.
Jacques-Louis Lantoine est professeur agrégé et docteur
en philosophie. Chercheur associé à l'IHRIM, il enseigne dans le
secondaire et à la faculté de philosophie de l’université Jean-Moulin
Lyon 3.
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