Faibles et puissants face à l'impôt
Raisons d'agir
2012
Présentation de l'éditeur
En
France, l’égalité devant l’impôt relève des principes républicains
proclamés par les révolutionnaires de 1789 : d’après la Déclaration des
droits de l’homme, tous les citoyens doivent contribuer « en raison de
leurs facultés ». Mais l’expression est tellement générale et
abstraite qu’elle a servi à justifier à peu près toutes les réformes
fiscales, y compris les plus inégalitaires.
Le plus souvent limitée à la question de la répartition de la
charge fiscale entre les différentes tranches de revenus, le discours
sur la justice fiscale oublie une autre forme d’inégalité devant
l’impôt, plus profonde : celle qui résulte des conditions sociales de
la mise en œuvre des règles censées s’appliquer à tous. Si la loi
condamne sans ambiguïté les contribuables qui ne déposent pas leur
déclaration, son application est loin d’être uniforme. Au-delà des
déclarations d’intention visant à lutter contre la fraude fiscale,
certains délits sont mieux tolérés que d’autres. L’enjeu de ce livre
est de résoudre une énigme : comment une institution composée d’agents
soucieux d’œuvrer pour l’intérêt général et le bien commun, peut-elle
(re)produire autant d’inégalités ?
Pour aborder la question des inégalités sociales face à l’impôt,
Alexis Spire a choisi de privilégier les prélèvements qui mettent les
contribuables directement en relation avec l’administration : l’impôt
sur le revenu, la fiscalité locale et l’imposition des patrimoines. Il
s’intéresse ici aux impôts qui mettent en contact les représentants de
l’Etat et les contribuables : les conditions sociales d’application du
droit génèrent une forme d’inégalité particulière, non réductible aux
règles inscrites dans le droit.
L’inégalité sociale devant l’impôt renvoie d’abord à des dispositifs
de taxation différents, laissant des marges de manœuvre plus ou moins
grandes à ceux qui doivent s’y soumettre comme c’est le cas de l’Impôt
de solidarité sur la fortune (ISF) qui doit être auto-déclaré. Elle
renvoie aussi à la relation de plus ou moins grande familiarité que les
contribuables entretiennent à l’égard de la matière fiscale. D’un
côté, les détenteurs de hauts revenus et/ou d’importants patrimoines
peuvent s’offrir les services d’un avocat fiscaliste ou d’un expert
comptable. De l’autre, les ménages des catégories populaires et des
classes moyennes modestes s’en remettent les plus souvent aux conseils
des fonctionnaires des impôts de moins en moins nombreux qui, dans bien
des cas, doivent à la fois les aider à formuler leur requête et en
décider l’issue. On le voit les stratégies d’évitement de l’impôt ne
sont pas les mêmes en haut et en bas de l’échelle fiscale.
Ce livre s’appuie sur une enquête ethnographique qui s’est d’abord
déroulée de 2006 à 2007 dans deux centres des impôts, l’un dans le Nord
et l’autre en région parisienne. Il s’appuie donc sur un travail
approfondi auprès de diverses administrations fiscales comme c’était le
cas dans Accueillir ou reconduire, l’ouvrage à succès paru aux
Éditions raisons d’agir dans lequel Alexis Spire analysait l’attitude
de l’administration vis-à-vis des étrangers.
Faibles et puissants face à l’impôt aborde au total sous un
angle entièrement nouveau la question de la fiscalité et il montre que
derrière les pratiques des agents des impôts sont en jeu des éléments
essentiels de l’égalité citoyenne et de la définition concrète de
l’intérêt général. Cet ouvrage sort la politique fiscale de la chasse
gardée des économistes et remet la question fiscale au centre de la
question sociale. Écrit de manière fluide et claire, utilisant des
exemples frappants et bien choisis, il s’adresse aussi plus
généralement à un large public, à tous ceux qui pensent que la
politique publique doit défendre l’égalité entre les citoyens.
Alexis Spire est chercheur au CNRS. Ses travaux
portent sur la sociologie de l’État et de l’administration, sur
l’immigration et l’impôt. Il est notamment l’auteur de Histoire sociale de l'impôt, Paris, La Découverte, 2010 (avec Nicolas Delalande) et Accueillir ou reconduire. Enquête sur les guichets de l'immigration, Paris, Raisons d'agir, 2008 et de Étrangers à la carte. L'administration de l'immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset. Par ailleurs, il a édité et préfacé l’ouvrage d’Abdelmalek Sayad, L’immigration ou les paradoxes de l’altérité. Les enfants illégitimes, Paris, Raisons d’agir, 2006.
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