« Je pense que les peuples ont pris conscience du fait qu’ils avaient des intérêts communs et qu’il y avait des intérêts planétaires qui sont liés à l’existence de la terre, des intérêts que l’on pourrait appeler cosmologiques, dans la mesure où ils concernent le monde dans son ensemble ».
Pierre Bourdieu (1992)


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vendredi 23 janvier 2015

Agone 55, Hégémonie ou déclin de l’empire

Agone 55
Hégémonie ou déclin de l’empire
Agone
2015

Présentation de l'éditeur
Coordination Philippe Olivera & Clément Petitjean
"Avec ce qui est encore la première économie du monde, leurs marchés financiers, leur monnaie de réserve, leurs forces armées, leurs bases réparties dans le monde, leur industrie culturelle et leur langue internationale, les États-Unis disposent d’un ensemble d’atouts avec lesquels aucun autre État ne peut encore commencer à rivaliser. Les autres grandes puissances ne font rien pour contrebalancer le poids de l’Amérique, à la fois à cause de leur interdépendance économique et parce qu’elles ont tout intérêt à ce qu’elle continue à jouer son rôle de gardien de l’ordre dans les zones du monde les moins stables. Ainsi, alors que le poids des États-Unis dans l’économie mondiale décroît lentement, leur puissance politique reste sans commune mesure avec celle de quelque autre pays que ce soit."

Le début du XXIe siècle - les attentats du 11 septembre, l’invasion de l’Irak en 2003, la crise financière de 2008, la poursuite de la guerre en Afghanistan et le poids croissant de la Chine - a marqué un retour en force des débats autour de l’impérialisme américain. Assiste-t-on actuellement à un déclin de l’empire ? Faut-il au contraire parler d’une recomposition des formes de la domination mondiale ? À travers des études de cas, des essais critiques et des réflexions théoriques, les auteurs regroupés ici développent des interprétations concurrentes de l’impérialisme, son histoire, ses manifestations contemporaines, ses perspectives futures.

Au sommaire :

- Fredric Jameson, "Mondialisation et stratégie politique"
- Peter Gowan, "Cosmopolitisme néolibéral"
- Giovanni Arrighi, "Le début de la fin de l’hégémonie américaine"
- Patrick O’Brien, "Le mythe de la succession anglophone"
- Robin Blackburn, "Margarine impériale"
- Alan Cafruny & Timothy Lehmann, "Par-delà l’horizon. Les États-Unis et l’Irak"
- Peter Nolan, "Archipels impériaux. La Chine, le colonialisme occidental et le droit de la mer"
- Perry Anderson, "Notes sur l’état du monde"

lundi 27 octobre 2014

en ligne: Agone 49, Crise financière globale ou triomphe du capitalisme ?


Agone 49
Crise financière globale ou triomphe du capitalisme ?
Agone
2012

En septembre 2008, l'irruption d'une crise financière épique touche le cœur même du système dominant. Dans les mois qui suivent, production mondiale, commerce, capitaux propres, crédits et investissements sont brutalement frappés, tandis que le chômage atteint des taux à deux chiffres dans tout l'hémisphère nord. On a senti, et pas seulement à gauche, que le paradigme néolibéral ne sortirait pas indemne de cette crise, qui pouvait même porter un coup fatal à l'hégémonie américaine. Malgré le déferlement d'analyses, la portée historique de cette crise reste obscure. À quoi a-t-elle mis fin ? A quoi n'a-t-elle pas mis fin ?

En coédition avec la New Left Review, ce volume rassemble les principales analyses proposées par cette revue sur la crise. Depuis cinquante ans, la NLR s'est imposée comme l'un des lieux majeurs de la pensée critique dans le monde anglo-saxon en suivant un mot d'ordre salutaire: refuser tout accommodement avec le système dominant ainsi que les manières d'en sous-estimer la puissance.

vendredi 29 novembre 2013

Agone 52, La Chine et l’ordre du monde

Agone 52
La Chine et l’ordre du monde
2013

Présentation de l'éditeur
Coordination Philippe Olivera
En Chine, la plupart des libéraux regardent les Chinois ordinaires avec bienveillance tant qu’ils contribuent au développement du marché en tant que consommateurs. Pour eux, le danger du nationalisme populaire est que les masses ne se contentent pas d’être trop critiques envers l’Ouest, mais qu’elles deviennent aussi trop mobilisées en tant que citoyens se détachant du rôle passif de consommateurs pour aller vers un rôle plus actif de militants. Ils craignent la participation populaire en rappelant toujours ses exemples négatifs, en voyant rarement le potentiel positif des mouvements sociaux comme condition de la démocratie. Ils ne croient qu’à la «porte ouverte» et au «système global». La seule chose dont la Chine a besoin est d’entrer dans le «courant dominant» – c’est le terme qu’ils utilisent – et tout ira bien. Pour eux, l’intégration dans le système mondial est le seul chemin vers la démocratie.

Ce numéro porte un regard sur la Chine vue de l’intérieur, débarrassé des écrans de l’orientalisme et de la fascination des performances économiques. Qu’il s’agisse de la question nationale, des mutations économiques et sociales ou de la vie artistique et intellectuelle, on y découvre des enjeux qui font échos à ceux auxquels nous sommes confrontés.

Sommaire :
— Nationalisme occidental et nationalisme oriental, Benedict Anderson
— Histoire de deux nationalismes, Wang Chaohua
— Questions tibétaines, entretien avec Tsering Shakya
— Le majordome de l’Amérique, Hung Ho-Fung
— Les multiples révolutions chinoises, Mark Elvin
— Dialogue sur l’avenir de la Chine, Wang Chaohua, Wang Dan et Li Minqi
— Une structure sociale vacillante, He Qinglian
— Le cinéma documentaire indépendant chinois, Ying Qian
— La revue Dushu et l’intelligentsia, Zhang Yongle
— L’incendie à la porte du château, entretien avec Wang Hui.

mardi 29 octobre 2013

en ligne: Agone 46, Apprendre le travail

mardi 15 janvier 2013

Agone 50, Réprimer & domestiquer : stratégies patronales

Agone 50
Réprimer & domestiquer : stratégies patronales
Coordination Étienne Pénissat

Ce numéro 50 de la Revue Agone aborde les conditions de l’action collective en entreprise – de l’adhésion syndicale aux grèves – en plaçant la focale sur les dispositifs et stratégies patronales pour l’entraver et la canaliser. Si les sciences sociales se sont de nouveau penchées sur les mobilisations professionnelles et les conflits du travail depuis la fin des années 2000, les travaux sont souvent réduits à l’étude des transformations du syndicalisme lui-même (professionnalisation, stratégies de syndicalisation, etc.) et du contexte socio-économique dans lequel il opère. Les politiques patronales vis-à-vis de l’action des salariés, et en premier lieu des syndicalistes, restent un angle mort sociologique. À l’ombre des pratiques de « management » participatives et individualisantes qui font de l’entreprise un lieu aseptisé, il s’agira de montrer que celle-ci reste un lieu éminemment politique. C’est ce qu’illustreront les jeunes sociologues et politistes mais aussi les syndicalistes qui participent à ce numéro à partir d’enquêtes et d’observations au plus près des acteurs : de l’ethnographie des stages de formation des DRH et des supervisors en France et aux États-Unis à celle des relations et des proximités entre dirigeants syndicaux et patronaux d’une chaîne de la grande distribution, en passant par l’étude des usages du droit ou de l’histoire des répertoires de répression anti-ouvrière dans les années 1970. Décortiquer et analyser les politiques et stratégies patronales pour réprimer et/ ou domestiquer l’action syndicale et les luttes collectives, telle est l’ambition de ce numéro.
SOMMAIRE
À l’ombre du “dialogue social”, éditorial d’ Étienne Pénissat
Préserver l’ordre usinier en France à la fin des années 1968, Xavier Vigna
Derrière la vitrine du dialogue social : les techniques managériales de domestication des conflits du travail, Baptiste Giraud
Petite phénoménologie du despotisme d’entreprise, Henri Clément
Les syndicats américains face aux stratégies managériales de contournement du syndicalisme, Émilien Julliard
Le circuit de secours syndical. Quand représentants patronaux et syndicaux cogèrent les conflits professionnels, Marlène Benquet
Réforme de la représentativité, pouvoir syndical et répression : quelques éléments de réflexion, Karel Yon et Sophie Béroud
Répression et discriminations syndicales, interview avec les auteurs d’une note de la Fondation Copernic
HISTOIRE RADICALE
Des lendemains qui déchantent
La contre-offensive du patronat, Pierre Monatte
Ceux qui occupent les usines. La grève de Sautter-Harlé I, Léon Nicolas (Nicolas Lazarévitch)
Ceux qui occupent les usines. La grève de Sautter-Harlé II, Groupe de syndicalistes révolutionnaires
Que s’est-il passé aux usines Goodrich ?, Marceau Pivert
LA LEÇON DES CHOSES
Diagnostics sur une Europe en crise
Autour du Nouveau Vieux Monde de Perry Anderson
Voir l’Europe depuis l’Est, Alain Supiot
Dépasser la «démocratie militante» ?, Jan-Werner Müller
Après coup, Perry Anderson
 

jeudi 25 octobre 2012

Agone 49, Crise financière globale ou triomphe du capitalisme ?

Agone 49
Crise financière globale ou triomphe du capitalisme ?
Coédition avec la New Left Review
Coordination Philippe Olivera
Agone
2012


Présentation de l'éditeur
Fondée en 1960, la New Left Review s’est rapidement imposée comme un lieu central de la pensée critique. Contemporaine de l’émergence des « nouvelles gauches » dont l’espace avait été ouvert par la crise du mouvement communiste après les événements de 1956, elle a joué un rôle majeur dans la réflexion théorique et politique avant comme après Mai 68, puis dans le contexte de la contre-révolution libérale qui a suivi. Quand tant d’autres publications ont disparu ou profondément révisé leur projet politique d’origine pour s’adapter aux retournements historiques, la New Left Review a maintenu le cap d’une critique radicale de l’ordre dominant sans déroger aux exigences de ses ambitions intellectuelles.
Avec ce numéro, la revue Agone inaugure une série de parutions annuelles composées d’une sélection d’articles entièrement tirée de la New Left Review, sur un thème choisi par les deux rédactions.
Les deux éditoriaux par lesquels s’ouvre cette première livraison rappellent l’origine et le parcours de la New Left Review puis donnent le cadre de son projet actuel. Reprenant pour quelque temps la direction qu’il avait assurée pendant plus de vingt ans, Perry Anderson propose en janvier 2000 un bilan sans concession sur la situation de la gauche ; et les grandes lignes des « Renouvellements » nécessaires à la poursuite d’un demi-siècle d’héritage. Dix ans plus tard, Susan Watkins, qui lui a succédé, décrit les « Paysages instables » produits par le grand ébranlement économique ouvert par la crise de 2008. L’ensemble des autres contributions qui sont réunies autour du thème de la crise actuelle du capitalisme manifeste l’ampleur de vue et la diversité des approches indispensable pour comprendre le monde où nous vivons – prérequis à toute volonté de changement.
SOMMAIRE
Renouvellements, éditorial de Perry Anderson
Toute réflexion sur l’avenir de la NLR doit partir de sa differentia specifica. Qu’est-ce qui a fait sa singularité en tant que revue de gauche ? La façon la plus simple et la plus succincte de répondre à cette question est la suivante : aucune autre revue ne s’est efforcée de couvrir un terrain aussi vaste – s’étendant de la politique à l’économie, en passant par l’esthétique, la philosophie et la sociologie – avec une telle liberté quant à la longueur et au degré de minutie des contributions. Cet espace n’a jamais été exploré de manière homogène ou équilibrée, au point de décourager même les lecteurs les plus patients. Mais c’est ainsi que le caractère de la New Left Review s’est forgé. Il s’agit d’une revue politique basée à Londres, qui a tenté de traiter les sciences humaines et sociales et les arts et les mœurs dans le même esprit historique que la politique elle-même.
Paysages instables, éditorial de Susan Watkins
Les milliers de milliards de dollars injectés pour renflouer les institutions financières pèseront sur les économies intérieures pour les années à venir. Mais les interventions massives des États ont-elles signé la fin du modèle néo-libéral ? Au plan idéologique, les créations de richesse mirifiques de la haute finance ont été son principal instrument de légitimation. On a senti, et pas seulement à gauche, que le paradigme néo-libéral ne sortirait pas indemne de la crise, qui pouvait même porter un coup fatal à l’hégémonie américaine. L’humiliation des géants de Wall Street semblait indiquer que le monde se trouvait au seuil d’une nouvelle ère. Entre-temps, le système financier a été stabilisé sans qu’aucun de ses problèmes de fond n’ait été résolu. Malgré le déferlement d’analyses consacrées à la crise, sa portée historique reste obscure. À quoi la crise de septembre 2008 a-t-elle mis fin ; à quoi n’a-t-elle pas mis fin ?
L’économie mondiale et la crise américaine, Robert Brenner
La crise qui affecte actuellement l’économie mondiale est la plus dévastatrice depuis la Grande Dépression, et elle pourrait bien s’avérer tout aussi grave. Elle est en effet le symptôme à la fois d’immenses problèmes non résolus dans l’économie réelle, dissimulés pendant des décennies par la dette, et d’une crise financière d’une profondeur inédite pour la période d’après-guerre. C’est l’effet de renforcement mutuel du déclin de l’accumulation du capital et de la désintégration du secteur financier qui fait que ce glissement échappe totalement aux responsables politiques et qui rend son potentiel de catastrophe si manifeste.
Les analystes de la crise ont naturellement pris comme point de départ l’effondrement du secteur bancaire et des marchés boursiers. Mais à de rares exceptions près, tous ont aussi nié les problèmes profonds et chroniques de l’économie réelle.
La crise 2.0, Robin Blackburn
Nous allons revenir en détail sur certaines des « mesures de sauvetage » déjà mises en œuvre et faire un tour d’horizon des déboires de ce monde de crise 2.0, dans lequel gouvernements, ménages et acteurs de la finance s’efforcent tous de réduire leur niveau d’endettement. Les résultats de cette situation sont sans appel : stagnation, chômage, démantèlement de l’État-providence et arrivée de coalitions de technocrates sans mandat électoral. Des stratégies de résistance doivent être mises en œuvre pour traiter efficacement les causes sous-jacentes de la crise. Nous appelons de nos vœux une expansion de la demande globale rendue possible par la hausse des rémunérations dans les pays à bas salaires, des annulations de dettes dans les pays pauvres comme dans les plus riches, de nouveaux mécanismes de protection sociale et des structures financières mises au service de l’intérêt public.
Le mythe du filet de sécurité mondial, Jan Breman
En rendant compte de la récession économique, les médias se sont surtout penchés sur les effets de la crise sur les pays riches, sans beaucoup se soucier des nombreuses populations qui vivent dans ce qu’on avait coutume d’appeler le tiers-monde. Selon les analyses actuellement en vogue, le fléchissement de ces « économies émergentes » pourrait s’avérer moins grave que prévu. Pourtant, cette perspective, qui se contente d’analyser les répercussions de la crise sur les pays dans leur ensemble, masque l’hétérogénéité de son impact en fonction des classes sociales. En tenant compte de la distribution des revenus, on s’aperçoit que le ralentissement mondial touche de façon disproportionnée les secteurs les plus vulnérables : les immenses cohortes de travailleurs sous-payés, sous-éduqués et privés de ressources qui constituent les strates inférieures surpeuplées de l’économie mondiale.
Irlande : le tournant ?, Daniel Finn
S’il manquait encore aux deux États irlandais le trait distinctif de la politique européenne moderne – une division gauche-droite nettement liée à la classe des électeurs – ne pouvait-on en déduire que, pour une fois, l’Irlande avait une longueur d’avance, annonçant l’américanisation prochaine de la vie politique européenne ?
Depuis septembre 2008, la crise mondiale a noyé ces visions sous un déluge d’eau glacée. L’État du sud, en chute libre, perd des emplois à une vitesse vertigineuse et a été contraint d’accepter un « plan de renflouement » humiliant de l’UE et du Fonds Monétaire International. La récession a cruellement révélé les failles du modèle du « Tigre celtique ». S’il est trop tôt pour évaluer les effets à long-terme de la crise, il est d’ores et déjà évident que le parcours historique excentrique de l’Irlande est encore bien loin d’arriver à son terme.
Spéculations sur l’état stationnaire, Gopal Balakrishnan
Quelle est la signification historique de l’implosion du néolibéralisme, moins de vingt ans après l’effondrement de l’Union soviétique ? Une hypothèse troublante vient à l’esprit. On sait que l’URSS est parvenue au sommet de sa puissance dans les années 1970, juste avant de s’enfoncer dans une spirale de retranchement, de dérive et d’effondrement. Se pourrait-il, par une de ces bonnes vieilles ironies de l’histoire, qu’un revers de fortune comparable guette la superpuissance occidentale ? Après tout, on peut voir une forme d’unité des contraires dans l’opposition entre un capitalisme débridé et les économies industrielles planifiées de l’ancien COMECON.
La dépression qui s’annonce révélera peut-être que les statistiques économiques nationales de la période de l’économie des bulles étaient des fictions assez comparables à celles qui avaient cours dans le vieux système soviétique.
Les tortueux sentiers du capital, Giovanni Arrighi (entretien avec David Harvey)
David Harvey : On peut difficilement imaginer vérification plus spectaculaire de ce que tu prédis depuis très longtemps dans tes théories que l’actuelle crise du système financier mondial. Y a-t-il des aspects de la crise qui t’ont surpris ?
Giovanni Arrighi : Ma prédiction était très simple. Dans The Long Twentieth Century, je qualifiais de crise annonciatrice d’un régime d’accumulation le début de la financiarisation et je faisais remarquer qu’après un certain temps – en général environ un demi-siècle – la crise terminale suivait. L’hypothèse fondamentale est que toutes ces expansions financières ne pouvaient pas tenir parce qu’elles amenaient à la spéculation plus de capital qu’il n’était possible d’en gérer – en d’autres termes, ces expansions financières avaient tendance à créer des bulles de différentes sortes. Je prévoyais que cette expansion financière mènerait à une crise terminale parce que, aujourd’hui comme dans le passé, les bulles ne peuvent pas tenir.

mercredi 12 septembre 2012

Perry Anderson, Le Nouveau Vieux monde. Sur le destin d’un auxiliaire de l’ordre américain

Perry Anderson
Le Nouveau Vieux monde
Sur le destin d’un auxiliaire de l’ordre américain
Traduit de l’anglais par Cécile Arnaud
Agone
2011

Avant-propos
 
Présentation de l'éditeur
Dans le contexte de la montée générale du néolibéralisme, l'autosatisfaction des élites européennes et de leurs porte-parole accompagne le mépris des populations. A ce niveau, l'absence d'un réel clivage politique empêche l'émergence d'une véritable sphère publique en Europe. La bonne conscience entretient les illusions, comme celle d'une autonomie vis-à-vis des Etats-Unis. Entre la réalité d'un régime politique produisant des effets plus ou moins uniformes sur l'ensemble de son territoire et l'intensité incomparablement supérieure de la vie interne de chacune des nations qui la composent, l'Europe ressemble beaucoup à un objet impossible. 
Ce livre veut contribuer à rompre le concert d'échos médiatiques qu'est aujourd'hui l'Union européenne pour en faire un objet de véritables choix politiques. L'historien britannique Perry Anderson rassemble ici quinze ans d'observations et de réflexions pour retrouver le fil rompu des grands penseurs politiques de l'Europe. Alternant les points de vue généraux sur l'organisation du continent et sur les réalités nationales, il envisage aussi bien la question des origines historiques que les enjeux les plus actuels - comme l'élargissement vers l'Orient. 
Une partie du chapitre consacré à la France est déjà parue sous le titre La Pensée tiède (2005), ici actualisée et replacée au sein d'une réflexion globale sur place de la vieille Europe dans le nouvel ordre mondial.

lundi 24 octobre 2011

Agone 46, Apprendre le travail

Agone 46
Apprendre le travail
Coordination Sylvain Laurens & Julian Mischi
Agone
2011


SOMMAIRE
Éditorial : L’école & la clôture des destins sociaux, Sylvain Laurens & Julian Mischi
L’ensemble de l’expérience scolaire mérite d’être analysée en prêtant attention non seulement aux savoirs pédagogiques mais aussi aux comportements des élèves, en dévoilant les rapports de domination mais aussi d’insubordination qui s’y expriment. Quelles sont les inclinations personnelles incorporées au fil des ans à travers la répétition métronomée des séquences, les injonctions à « tenir en place », rester assis pendant des heures, obéir à des ordres, « rendre un travail dans les temps », « s’exprimer dans un niveau de langage adéquat », etc. ? En quoi ces dispositions peuvent-elles faciliter des orientations scolaires et professionnelles et être transposées dans d’autres univers sociaux ? Quelles sont les formes de sociabilité tissées entre élèves face à l’autorité pédagogique ? Quels rapports aux ordres, aux injonctions professorales, aux valeurs et savoirs des classes dominantes sont intériorisés au fil des cursus ?
L’ordre technique et l’ordre des choses, Claude Grignon
Les oppositions « manuel »/« intellectuel », « concret »/« abstrait » constituent pour ainsi dire la monnaie de l’opposition générale entre « naturel » et « homme cultivé », entre « nature » et « culture ». Ce qui définit en propre l’homme cultivé, l’homme « véritablement homme », c’est qu’il est censé ne jamais agir – et ne jamais subir – à la manière d’un animal ou d’une chose : exercer une fonction de commandement, ou « de conception », c’est mettre en œuvre ce qui est censé appartenir en propre à l’homme, le langage et la pensée. Inversement, parce que leur mode de vie, leurs manières de sentir, d’agir et de penser reflètent nécessairement leur type d’activité professionnelle, ceux qui sont réputés se servir plutôt de leur corps que de leur esprit dans l’exercice de leur métier ne peuvent jamais être considérés comme des hommes tout à fait « accomplis ».
Les politiques de « revalorisation du travail manuel » (1975–1981), Sylvain Laurens & Julian Mischi
« Maintenant la priorité est aux travailleurs manuels ! ». C’est sous ce slogan qu’une politique gouvernementale s’engage en janvier 1976 sous l’impulsion de Lionel Stoléru, nommé par Valéry Giscard d’Estaing secrétaire d’État à la Condition des travailleurs manuels. Il se retrouve ainsi au cœur d’une vaste campagne de valorisation médiatique en direction de « ceux qui travaillent avec leurs mains » : il évoque leur sort dans les journaux ou lors de débats télévisés, mais aussi à l’occasion de rencontres organisées avec des ouvriers dans le cadre d’un tour de France des usines ou lors de la remise de la médaille du meilleur ouvrier de France. Les discours publics sur les formes d’opposition entre travail « intellectuel » et « manuel » sont bien sûr bien plus anciennes ; mais elles semblent toutefois subitement (re)devenir d’actualité dans une conjoncture marquée par les débats publics autour de la « crise » et par les différentes stratégies gouvernementales et patronales de réponse aux conflits sociaux qui éclatent dans le sillage de mai-juin 68.
La division « intellectuel / manuel » ou le recto-verso des rapports de domination, Entretien avec Paul Willis, Sylvain Laurens & Julian Mischi
Je n’en appelle pas à porter attention aux « frémissements d’en bas » avec une sorte de romance, de nostalgie ou même dans l’espoir de répondre à la question d’Howard Becker « De quel côté sommes nous ? » J’en appelle à une compréhension des rapports sociaux proprement scientifique. Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser les classes, laissant derrière nous cette vision d’une opposition entre des blocs homogènes qui se font face comme des armées. Maintenant que nous n’avons plus les garanties offertes par ces structures immuables proposées par le marxisme, l’étude des sentiments de classe et de la production de sens doit être construite empiriquement depuis le bas afin de comprendre comment il est possible pour des individus de faire face de façon imaginative au fait de ne devoir qu’à leur force de travail de ne pas tomber dans une forme de déchéance. C’est à ce prix que l’on comprendra que ce qui s’apparente à une solution dans un lieu social peut être un problème dans un autre.
Retour sur le paradoxe de Willis : les destins scolaires des jeunes d’origine populaire dans l’École massifiée, Ugo Palheta
Même si ce qui interpelle Willis tient non dans la mesure des inégalités de destin scolaire et social, mais dans les modalités concrètes de la reproduction sociale, il nous semble nécessaire de revenir sur ce soubassement dans la mesure où celui-ci est aujourd’hui contesté (et pas seulement par les idéologues libéraux de la méritocratie scolaire). L’argument mobilisé consiste à affirmer que les vagues de « démocratisation scolaire », même limitées quant à leurs effets égalisateurs, auraient permis à une fraction significative des jeunes d’origine populaire d’accéder à l’enseignement supérieur, et auraient ainsi rendu crédible pour les familles populaires la perspective d’une mobilité sociale par l’École, à tel point que ces dernières se seraient « converties » au modèle des études longues. Il n’est pas possible de réfuter en un court article cet argument mais, en mobilisant quelques résultats issus d’une étude sur l’enseignement professionnel et son public, on voudrait montrer que la thèse de Willis demeure pertinente pour analyser le système d’enseignement français contemporain.
Entre lycée professionnel et travail ouvrier : la « culture anti-école » à l’œuvre ou la formation des destins sociaux, Audrey Mariette
Ce que les membres de l’institution scolaire interprètent comme des « démotivations » qui seraient elles-mêmes liées à des « orientations par défaut » dans la voie professionnelle et qui expliqueraient les « décrochages scolaires » et les « déscolarisations » s’éclairent de manière différente à l’aune de la culture propre aux jeunes enquêtés, comme des attitudes « anti-conformistes » non réductibles à la notion d’ « échec scolaire ». En effet, « en pénétrant les contradictions qui forment le noyau de l’école ouvrière, la “culture anti-école” aide à libérer ses membres du poids du conformisme et des réussites conventionnelles. » La mise en équivalence entre arrêt d’études et « échec scolaire » est ainsi le fait de l’institution scolaire, de même que « l’orientation par défaut », la « démotivation » ou encore le « décrochage » sont des catégories de pensée relevant du langage institutionnel. La notion elle-même d’échec nécessite dès lors d’être déconstruite (voire refusée) parce qu’elle impose l’idée que les jeunes concernés seraient du côté des « vaincus » alors que ce qui est considéré par l’institution comme un « échec » peut être vécu comme un « succès », une « réussite » par ces mêmes jeunes, à travers l’accès et la valorisation de l’indépendance.
Les enjeux de l’apprentissage du métier d’agriculteur pour la reproduction sociale du groupe, Lucie Alarcon
À la famille et l’école, s’ajoute un troisième acteur placé en situation d’intermédiaire dans la formation des agriculteurs : la profession, à travers entre autres le rôle joué par les maîtres de stage. En effet, dans l’enseignement agricole et plus largement dans l’enseignement professionnel, les élèves effectuent des stages en entreprise, de durée variable en fonction du type d’établissements. Les organismes agricoles, comme les syndicats, les coopératives, les centres de gestion ou les chambres d’agriculture interviennent ainsi à travers les formations continues et réunions d’information qu’ils proposent. On le pressent : le métier d’agriculteur tel qu’il est transmis dans les familles, les centres de formations et les stages pratiques n’est peut être pas toujours exactement le même. Entre transmission familiale, scolaire et « experte » du métier, les jeunes agriculteurs sont soumis à des injonctions contradictoires et des façons différentes d’appréhender le métier.
Se trouver à sa place comme ouvrier ? L’ajustement progressif au travail d’ouvrier qualifié, Séverine Misset
Si dans le cas des ouvriers non qualifiés, on constate un rejet massif du destin ouvrier associé à une dévalorisation de l’enseignement professionnel, au sein de la population des ouvriers professionnels, on est au contraire frappés par l’apparition de discours positifs sur l’école ainsi que par l’affirmation récurrente d’une « fierté » relative au travail exercé. Au cours des entretiens, ces ouvriers professionnels semblent mettre en avant leur appartenance à une forme d’ « élite ouvrière » tant au sein du lycée professionnel qu’au sein de l’atelier de fabrication. Cet article se fixe alors pour objectif d’analyser ce rapport positif au travail exprimé par la plupart de ces ouvriers qualifiés, et pour une partie d’entre eux le rapport positif à l’enseignement professionnel, en montrant comment s’opère un ajustement progressif à la condition d’ouvrier qualifié.
HISTOIRE RADICALE
Victorio Vidali, Tina Modotti, le stalinisme et la révolution, Claudio Albertani, traduit de l’italien par Miguel Chueca, présentation de Charles Jacquier
LA LEÇON DES CHOSES
Dossier « Actualités de Perry Anderson. Portrait d’un intellectuel marxiste britannique »
Perry Anderson et les « nouvelles gauches » française et britannique, Philippe Olivera
Sur la réaction en chaîne dans le monde Arabe, Perry Anderson, traduit de l’anglais par Étienne Dobenesque