« Je pense que les peuples ont pris conscience du fait qu’ils avaient des intérêts communs et qu’il y avait des intérêts planétaires qui sont liés à l’existence de la terre, des intérêts que l’on pourrait appeler cosmologiques, dans la mesure où ils concernent le monde dans son ensemble ».
Pierre Bourdieu (1992)


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mardi 6 décembre 2016

Agone 60, Nouvelles masses, nouveaux mouvements ?

Agone, 60, Nouvelles masses, nouveaux mouvements ?
Agone
2016 

Présentation de l'éditeur
Coédition avec la New Left Review
Coordination : Philippe Olivera
Quelles sont les mobilisations politiques et sociales suscitées par la crise financière mondiale de 2008 ? Auraient-elles un air de famille ? En quoi prolongent-elles – ou au contraire tranchent-t-elles avec – la vague précédente de mouvements inspirés par l’alter-mondialisme autour de l’an 2000 ?
Dans un monde où, pour la première fois depuis cent cinquante ans, le capitalisme ne semble plus contesté par aucune force sociale de premier plan, de très nombreux mouvements de masses ne cessent d’émerger. Par-delà tout ce qui les distingue, notamment entre ceux des pays dits « riches » et ceux des pays qu’on appelle « émergents », ils partagent presque tous la caractéristique de mêler des membres des classes populaires et des classes moyennes. Tout l’enjeu est alors de savoir s’il y a convergence ou simple coexistence des luttes. Si cette réelle diversité sociale est une force ou au contraire une faiblesse où la résistance des uns est confisquée par les intérêts des autres.
Ce numéro est la cinquième livraison thématique d’Agone exclusivement tirée de la New Left Review. Conformément à la lucidité dont elle se réclame – qui la conduisait par exemple à relativiser la portée du mouvement alter-mondialiste en 2000 –, la NLR refuse de se raconter des histoires à propos des mobilisations actuelles. Tout en donnant plusieurs éléments d’analyse transversaux, ce numéro reprend pour l’essentiel la série en cours qu’elle consacre depuis 2014 aux new masses et qui brosse un large panorama mondial des principaux mouvements de résistance à l’ordre dominant. Fidèle à ce qui fait sa marque depuis sa création, la New Left Review les passe au crible d’une lecture résolument sociologique rarement faite ailleurs : c’est l’approche des forces sociales mobilisées qui est ici privilégiée.
Sommaire : Goran Therborn, « Nouvelles masses ? Les fondements sociaux d’une résistance » ; Zhanna Andreasyan et Georgi Derluguian, « Protestations électriques en Arménie » ; Suhas Palshikar, « Qui est “l’homme ordinaire” de Dehli ? » ; André Singer, « Révolte brésilienne. La nature sociale et politique des événements de juin 2013 » ; Erdem Yörük et Murat Yüksel, « Classes et politique dans les manifestations de Gezi en Turquie » ; Daniel Finn, « Guerres de l’eau en Irlande » ; Nancy Fraser, « Un triple mouvement ? Penser un projet politique face à la crise après Polanyi » ; Susan Watkins, « Oppositions » ; Boris Mellow, « “On ne peut pas payer et on ne payera pas !” Comment la lutte contre la poll tax bouleversa la Grande-Bretagne et fit chuter Margaret Thatcher » ; Haringey Solidarity Group, « La révolte de Haringey contre la poll tax ».


vendredi 30 octobre 2015

Agone 57, L’Amérique latine dans le chaudron du diable


Agone 57
L’Amérique latine dans le chaudron du diable
Agone
2015
 
Coédition avec la New Left Review
Coordination : Philippe Olivera & Clément Petitjean
 
Présentation de l'éditeur
Liens et continuités entre la grande époque des luttes anti-impérialistes et les profondes mutations actuelles, témoignant d’un possible retour de l’Amérique latine comme phare des luttes à venir.
L’Amérique latine ne se réduit pas au rôle dramatique où la cantonne la presse à sensations politiques : un continent écartelé par l’exploitation économique et financière via des organismes internationaux publics ou privés, une mosaïque de vallées sous la coupe des cartels de la drogue, le théâtre de révolutions anti-yankee ancrées dans les mythologies du XIXe siècle ou un regroupement de nouvelles puissances « émergentes » qui cherchent à prendre le train de la croissance.
Plutôt que d’employer les raccourcis habituels, ce recueil d’articles initialement parus dans la New Left Review révèle la diversité et la complexité de ces nations à la recherche de solutions singulières pour sortir du « chaudron du diable » dans lequel l’histoire nous enferme. Faudrait-il pour cela critiquer les errances de Lula et du Parti des travailleurs, suivre la conversion des économies illégales ou revenir sur les fissures de la contre-révolution libérale derrière leurs façades médiatiques ?

Sommaire :

Des républiques Potemkine, Bolivar Echevarria – Comment fut trouvée la formule d’une grande littérature brésilienne, Roberto Schwartz – L’ornithorynque, Chico de Oliveira – Des façons d’écouter dans un média visuel", Ismail Xavier – Ce qui existe ne peut pas être vrai", entretien avec Adolfo Gilly – le relooking de Medellin, Forrest Hylton – A quoi ressemble la protection sociale du XXIe siècle, Lena Lavinas – Imprévisible Cuba, Emily Morris
 
 

vendredi 23 janvier 2015

Agone 55, Hégémonie ou déclin de l’empire

Agone 55
Hégémonie ou déclin de l’empire
Agone
2015

Présentation de l'éditeur
Coordination Philippe Olivera & Clément Petitjean
"Avec ce qui est encore la première économie du monde, leurs marchés financiers, leur monnaie de réserve, leurs forces armées, leurs bases réparties dans le monde, leur industrie culturelle et leur langue internationale, les États-Unis disposent d’un ensemble d’atouts avec lesquels aucun autre État ne peut encore commencer à rivaliser. Les autres grandes puissances ne font rien pour contrebalancer le poids de l’Amérique, à la fois à cause de leur interdépendance économique et parce qu’elles ont tout intérêt à ce qu’elle continue à jouer son rôle de gardien de l’ordre dans les zones du monde les moins stables. Ainsi, alors que le poids des États-Unis dans l’économie mondiale décroît lentement, leur puissance politique reste sans commune mesure avec celle de quelque autre pays que ce soit."

Le début du XXIe siècle - les attentats du 11 septembre, l’invasion de l’Irak en 2003, la crise financière de 2008, la poursuite de la guerre en Afghanistan et le poids croissant de la Chine - a marqué un retour en force des débats autour de l’impérialisme américain. Assiste-t-on actuellement à un déclin de l’empire ? Faut-il au contraire parler d’une recomposition des formes de la domination mondiale ? À travers des études de cas, des essais critiques et des réflexions théoriques, les auteurs regroupés ici développent des interprétations concurrentes de l’impérialisme, son histoire, ses manifestations contemporaines, ses perspectives futures.

Au sommaire :

- Fredric Jameson, "Mondialisation et stratégie politique"
- Peter Gowan, "Cosmopolitisme néolibéral"
- Giovanni Arrighi, "Le début de la fin de l’hégémonie américaine"
- Patrick O’Brien, "Le mythe de la succession anglophone"
- Robin Blackburn, "Margarine impériale"
- Alan Cafruny & Timothy Lehmann, "Par-delà l’horizon. Les États-Unis et l’Irak"
- Peter Nolan, "Archipels impériaux. La Chine, le colonialisme occidental et le droit de la mer"
- Perry Anderson, "Notes sur l’état du monde"

mercredi 12 mars 2014

Agone 53, « L’ordinaire de la guerre »

Agone 53
« L’ordinaire de la guerre »
Coordination Philippe Olivera
Agone
2014

Présentation de l'éditeur
Au moment où s’ouvrent les commémorations du centenaire de 1914–1918, ce numéro est conçu comme un dossier à charge contre l’école historique qui domine à la fois la scène médiatique et le champ académique. Depuis une vingtaine d’années, ces historiens d’État s’efforcent d’imposer l’idée d’un consentement patriotique de combattants animés par la haine de l’ennemi. Au-delà de la critique de ce révisionnisme historique, les auteurs de ce numéro soulignent les enjeux intellectuels et politiques ­attachés à l’étude des violences de masse : contre l’esthétisation de la violence, la fascination pour les bourreaux et le déni des relations de classes, ils veulent montrer la ­fécondité d’une histoire menée au cœur des expériences ordinaires.

Sommaire
Philippe Olivera, « Histoire des violences et violence (sociale) de
l’histoire. À propos de la “nouvelle histoire” de la Grande Guerre »

Blaise Wilfert, « Aux sources d’une histoire controversée : une
lecture de 14–18 Retrouver la guerre de Stéphane Audoin-Rouzeau et
d’Annette Becker »

François Buton, « Norbert Elias ou la Grande Guerre du sociologue »

André Loez, « Vers une histoire au plus proche des situations sociales
? Entretien avec Claire Zalc sur l’histoire récente de la Shoah »

Claudine Vidal, « Enquêtes au Rwanda. Questions de recherche sur le
génocide tutsi »

Dimitri Chavaroche & André Loez, « “L’opération a été bien menée
et vigoureusement exécutée”. Un compte-rendu de coup de main à
l’été 1916 »

Nicolas Mariot, « Comment faire une histoire populaire des tranchées ? »

La leçon des choses : « Le traité de non-protestation nucléaire », par Susan Watkins

Pour s’abonner à la revue Agone

samedi 18 janvier 2014

video: Michael Christofferson, Les Intellectuels contre la gauche. L’idéologie antitotalitaire en France (1968-1981). Deuxième édition revue & augmentée


video: Rencontre avec Michael Christofferson, autour du livre Les intellectuels contre la gauche.
Librairie Tropiques, 14 octobre 2009
Michael Christofferson
Les Intellectuels contre la gauche
L’idéologie antitotalitaire en France (1968-1981)
Traduit de l’anglais par André Merlot
Préface de Philippe Olivera
Deuxième édition revue & augmentée
Agone
2014

Présentation de l'éditeur
« Au cours des années 1970, une vigoureuse offensive contre le “totalitarisme de gauche” ébranla la vie politique française. Dans leurs livres, leurs articles et à la télévision, les intellectuels “antitotalitaires” dénonçaient, sur un ton dramatique, une filiation entre les conceptions marxistes et révolutionnaires et le totalitarisme. Issus eux-mêmes de la gauche et ne craignant qu’une faible opposition de ce côté-là, ces intellectuels ont réussi à marginaliser la pensée marxiste et à saper la légitimité de la tradition révolutionnaire, ouvrant ainsi la voie aux solutions politiques modérées, libérales et postmodernes qui allaient dominer les décennies suivantes. Capitale de la gauche européenne après 1945, Paris devenait la “capitale de la réaction européenne”. »
Michael Scott Christofferson est professeur d’histoire contemporaine à Adelphi University (New York). Après une thèse avec Robert Paxton (dont ce livre est issu), il a notamment publié France During World War II : From defeat to Liberation (2006). Il prépare actuellement une biographie critique de François Furet. 

vendredi 29 novembre 2013

Agone 52, La Chine et l’ordre du monde

Agone 52
La Chine et l’ordre du monde
2013

Présentation de l'éditeur
Coordination Philippe Olivera
En Chine, la plupart des libéraux regardent les Chinois ordinaires avec bienveillance tant qu’ils contribuent au développement du marché en tant que consommateurs. Pour eux, le danger du nationalisme populaire est que les masses ne se contentent pas d’être trop critiques envers l’Ouest, mais qu’elles deviennent aussi trop mobilisées en tant que citoyens se détachant du rôle passif de consommateurs pour aller vers un rôle plus actif de militants. Ils craignent la participation populaire en rappelant toujours ses exemples négatifs, en voyant rarement le potentiel positif des mouvements sociaux comme condition de la démocratie. Ils ne croient qu’à la «porte ouverte» et au «système global». La seule chose dont la Chine a besoin est d’entrer dans le «courant dominant» – c’est le terme qu’ils utilisent – et tout ira bien. Pour eux, l’intégration dans le système mondial est le seul chemin vers la démocratie.

Ce numéro porte un regard sur la Chine vue de l’intérieur, débarrassé des écrans de l’orientalisme et de la fascination des performances économiques. Qu’il s’agisse de la question nationale, des mutations économiques et sociales ou de la vie artistique et intellectuelle, on y découvre des enjeux qui font échos à ceux auxquels nous sommes confrontés.

Sommaire :
— Nationalisme occidental et nationalisme oriental, Benedict Anderson
— Histoire de deux nationalismes, Wang Chaohua
— Questions tibétaines, entretien avec Tsering Shakya
— Le majordome de l’Amérique, Hung Ho-Fung
— Les multiples révolutions chinoises, Mark Elvin
— Dialogue sur l’avenir de la Chine, Wang Chaohua, Wang Dan et Li Minqi
— Une structure sociale vacillante, He Qinglian
— Le cinéma documentaire indépendant chinois, Ying Qian
— La revue Dushu et l’intelligentsia, Zhang Yongle
— L’incendie à la porte du château, entretien avec Wang Hui.

mardi 29 octobre 2013

en ligne: Agone 46, Apprendre le travail

jeudi 25 octobre 2012

Agone 49, Crise financière globale ou triomphe du capitalisme ?

Agone 49
Crise financière globale ou triomphe du capitalisme ?
Coédition avec la New Left Review
Coordination Philippe Olivera
Agone
2012


Présentation de l'éditeur
Fondée en 1960, la New Left Review s’est rapidement imposée comme un lieu central de la pensée critique. Contemporaine de l’émergence des « nouvelles gauches » dont l’espace avait été ouvert par la crise du mouvement communiste après les événements de 1956, elle a joué un rôle majeur dans la réflexion théorique et politique avant comme après Mai 68, puis dans le contexte de la contre-révolution libérale qui a suivi. Quand tant d’autres publications ont disparu ou profondément révisé leur projet politique d’origine pour s’adapter aux retournements historiques, la New Left Review a maintenu le cap d’une critique radicale de l’ordre dominant sans déroger aux exigences de ses ambitions intellectuelles.
Avec ce numéro, la revue Agone inaugure une série de parutions annuelles composées d’une sélection d’articles entièrement tirée de la New Left Review, sur un thème choisi par les deux rédactions.
Les deux éditoriaux par lesquels s’ouvre cette première livraison rappellent l’origine et le parcours de la New Left Review puis donnent le cadre de son projet actuel. Reprenant pour quelque temps la direction qu’il avait assurée pendant plus de vingt ans, Perry Anderson propose en janvier 2000 un bilan sans concession sur la situation de la gauche ; et les grandes lignes des « Renouvellements » nécessaires à la poursuite d’un demi-siècle d’héritage. Dix ans plus tard, Susan Watkins, qui lui a succédé, décrit les « Paysages instables » produits par le grand ébranlement économique ouvert par la crise de 2008. L’ensemble des autres contributions qui sont réunies autour du thème de la crise actuelle du capitalisme manifeste l’ampleur de vue et la diversité des approches indispensable pour comprendre le monde où nous vivons – prérequis à toute volonté de changement.
SOMMAIRE
Renouvellements, éditorial de Perry Anderson
Toute réflexion sur l’avenir de la NLR doit partir de sa differentia specifica. Qu’est-ce qui a fait sa singularité en tant que revue de gauche ? La façon la plus simple et la plus succincte de répondre à cette question est la suivante : aucune autre revue ne s’est efforcée de couvrir un terrain aussi vaste – s’étendant de la politique à l’économie, en passant par l’esthétique, la philosophie et la sociologie – avec une telle liberté quant à la longueur et au degré de minutie des contributions. Cet espace n’a jamais été exploré de manière homogène ou équilibrée, au point de décourager même les lecteurs les plus patients. Mais c’est ainsi que le caractère de la New Left Review s’est forgé. Il s’agit d’une revue politique basée à Londres, qui a tenté de traiter les sciences humaines et sociales et les arts et les mœurs dans le même esprit historique que la politique elle-même.
Paysages instables, éditorial de Susan Watkins
Les milliers de milliards de dollars injectés pour renflouer les institutions financières pèseront sur les économies intérieures pour les années à venir. Mais les interventions massives des États ont-elles signé la fin du modèle néo-libéral ? Au plan idéologique, les créations de richesse mirifiques de la haute finance ont été son principal instrument de légitimation. On a senti, et pas seulement à gauche, que le paradigme néo-libéral ne sortirait pas indemne de la crise, qui pouvait même porter un coup fatal à l’hégémonie américaine. L’humiliation des géants de Wall Street semblait indiquer que le monde se trouvait au seuil d’une nouvelle ère. Entre-temps, le système financier a été stabilisé sans qu’aucun de ses problèmes de fond n’ait été résolu. Malgré le déferlement d’analyses consacrées à la crise, sa portée historique reste obscure. À quoi la crise de septembre 2008 a-t-elle mis fin ; à quoi n’a-t-elle pas mis fin ?
L’économie mondiale et la crise américaine, Robert Brenner
La crise qui affecte actuellement l’économie mondiale est la plus dévastatrice depuis la Grande Dépression, et elle pourrait bien s’avérer tout aussi grave. Elle est en effet le symptôme à la fois d’immenses problèmes non résolus dans l’économie réelle, dissimulés pendant des décennies par la dette, et d’une crise financière d’une profondeur inédite pour la période d’après-guerre. C’est l’effet de renforcement mutuel du déclin de l’accumulation du capital et de la désintégration du secteur financier qui fait que ce glissement échappe totalement aux responsables politiques et qui rend son potentiel de catastrophe si manifeste.
Les analystes de la crise ont naturellement pris comme point de départ l’effondrement du secteur bancaire et des marchés boursiers. Mais à de rares exceptions près, tous ont aussi nié les problèmes profonds et chroniques de l’économie réelle.
La crise 2.0, Robin Blackburn
Nous allons revenir en détail sur certaines des « mesures de sauvetage » déjà mises en œuvre et faire un tour d’horizon des déboires de ce monde de crise 2.0, dans lequel gouvernements, ménages et acteurs de la finance s’efforcent tous de réduire leur niveau d’endettement. Les résultats de cette situation sont sans appel : stagnation, chômage, démantèlement de l’État-providence et arrivée de coalitions de technocrates sans mandat électoral. Des stratégies de résistance doivent être mises en œuvre pour traiter efficacement les causes sous-jacentes de la crise. Nous appelons de nos vœux une expansion de la demande globale rendue possible par la hausse des rémunérations dans les pays à bas salaires, des annulations de dettes dans les pays pauvres comme dans les plus riches, de nouveaux mécanismes de protection sociale et des structures financières mises au service de l’intérêt public.
Le mythe du filet de sécurité mondial, Jan Breman
En rendant compte de la récession économique, les médias se sont surtout penchés sur les effets de la crise sur les pays riches, sans beaucoup se soucier des nombreuses populations qui vivent dans ce qu’on avait coutume d’appeler le tiers-monde. Selon les analyses actuellement en vogue, le fléchissement de ces « économies émergentes » pourrait s’avérer moins grave que prévu. Pourtant, cette perspective, qui se contente d’analyser les répercussions de la crise sur les pays dans leur ensemble, masque l’hétérogénéité de son impact en fonction des classes sociales. En tenant compte de la distribution des revenus, on s’aperçoit que le ralentissement mondial touche de façon disproportionnée les secteurs les plus vulnérables : les immenses cohortes de travailleurs sous-payés, sous-éduqués et privés de ressources qui constituent les strates inférieures surpeuplées de l’économie mondiale.
Irlande : le tournant ?, Daniel Finn
S’il manquait encore aux deux États irlandais le trait distinctif de la politique européenne moderne – une division gauche-droite nettement liée à la classe des électeurs – ne pouvait-on en déduire que, pour une fois, l’Irlande avait une longueur d’avance, annonçant l’américanisation prochaine de la vie politique européenne ?
Depuis septembre 2008, la crise mondiale a noyé ces visions sous un déluge d’eau glacée. L’État du sud, en chute libre, perd des emplois à une vitesse vertigineuse et a été contraint d’accepter un « plan de renflouement » humiliant de l’UE et du Fonds Monétaire International. La récession a cruellement révélé les failles du modèle du « Tigre celtique ». S’il est trop tôt pour évaluer les effets à long-terme de la crise, il est d’ores et déjà évident que le parcours historique excentrique de l’Irlande est encore bien loin d’arriver à son terme.
Spéculations sur l’état stationnaire, Gopal Balakrishnan
Quelle est la signification historique de l’implosion du néolibéralisme, moins de vingt ans après l’effondrement de l’Union soviétique ? Une hypothèse troublante vient à l’esprit. On sait que l’URSS est parvenue au sommet de sa puissance dans les années 1970, juste avant de s’enfoncer dans une spirale de retranchement, de dérive et d’effondrement. Se pourrait-il, par une de ces bonnes vieilles ironies de l’histoire, qu’un revers de fortune comparable guette la superpuissance occidentale ? Après tout, on peut voir une forme d’unité des contraires dans l’opposition entre un capitalisme débridé et les économies industrielles planifiées de l’ancien COMECON.
La dépression qui s’annonce révélera peut-être que les statistiques économiques nationales de la période de l’économie des bulles étaient des fictions assez comparables à celles qui avaient cours dans le vieux système soviétique.
Les tortueux sentiers du capital, Giovanni Arrighi (entretien avec David Harvey)
David Harvey : On peut difficilement imaginer vérification plus spectaculaire de ce que tu prédis depuis très longtemps dans tes théories que l’actuelle crise du système financier mondial. Y a-t-il des aspects de la crise qui t’ont surpris ?
Giovanni Arrighi : Ma prédiction était très simple. Dans The Long Twentieth Century, je qualifiais de crise annonciatrice d’un régime d’accumulation le début de la financiarisation et je faisais remarquer qu’après un certain temps – en général environ un demi-siècle – la crise terminale suivait. L’hypothèse fondamentale est que toutes ces expansions financières ne pouvaient pas tenir parce qu’elles amenaient à la spéculation plus de capital qu’il n’était possible d’en gérer – en d’autres termes, ces expansions financières avaient tendance à créer des bulles de différentes sortes. Je prévoyais que cette expansion financière mènerait à une crise terminale parce que, aujourd’hui comme dans le passé, les bulles ne peuvent pas tenir.

lundi 24 octobre 2011

en ligne: Agone, 41-42 | 2009, Les intellectuels, la critique & le pouvoir


AGONE, 41-42 | 2009
Les intellectuels, la critique & le pouvoir

Agone4041_une
Sous la direction de Thierry Discepolo, Charles Jacquier et Philippe Olivera
L’« intellectuel » serait forcément « de gauche » ; il œuvrerait « naturellement » au seul service des dominés ; surtout, son action serait désintéressée. Quelques rappels historiques écornent vite cette belle image ; surtout ils montrent comment ont changé les valeurs au nom desquelles on s’« engage » pour quelles « nobles causes ». Un peu d’actualité montre combien les fonctions remplies sont toujours plus publiquement rentables.
Ce recueil revient sur les rôles qui ont porté certains intellectuels au cœur de mouvements de libération, qui n’ont parfois libéré qu’eux-mêmes, au sein d’une lutte des classes dans laquelle ils n’ont souvent jamais que changé de camp.

Agone 46, Apprendre le travail

Agone 46
Apprendre le travail
Coordination Sylvain Laurens & Julian Mischi
Agone
2011


SOMMAIRE
Éditorial : L’école & la clôture des destins sociaux, Sylvain Laurens & Julian Mischi
L’ensemble de l’expérience scolaire mérite d’être analysée en prêtant attention non seulement aux savoirs pédagogiques mais aussi aux comportements des élèves, en dévoilant les rapports de domination mais aussi d’insubordination qui s’y expriment. Quelles sont les inclinations personnelles incorporées au fil des ans à travers la répétition métronomée des séquences, les injonctions à « tenir en place », rester assis pendant des heures, obéir à des ordres, « rendre un travail dans les temps », « s’exprimer dans un niveau de langage adéquat », etc. ? En quoi ces dispositions peuvent-elles faciliter des orientations scolaires et professionnelles et être transposées dans d’autres univers sociaux ? Quelles sont les formes de sociabilité tissées entre élèves face à l’autorité pédagogique ? Quels rapports aux ordres, aux injonctions professorales, aux valeurs et savoirs des classes dominantes sont intériorisés au fil des cursus ?
L’ordre technique et l’ordre des choses, Claude Grignon
Les oppositions « manuel »/« intellectuel », « concret »/« abstrait » constituent pour ainsi dire la monnaie de l’opposition générale entre « naturel » et « homme cultivé », entre « nature » et « culture ». Ce qui définit en propre l’homme cultivé, l’homme « véritablement homme », c’est qu’il est censé ne jamais agir – et ne jamais subir – à la manière d’un animal ou d’une chose : exercer une fonction de commandement, ou « de conception », c’est mettre en œuvre ce qui est censé appartenir en propre à l’homme, le langage et la pensée. Inversement, parce que leur mode de vie, leurs manières de sentir, d’agir et de penser reflètent nécessairement leur type d’activité professionnelle, ceux qui sont réputés se servir plutôt de leur corps que de leur esprit dans l’exercice de leur métier ne peuvent jamais être considérés comme des hommes tout à fait « accomplis ».
Les politiques de « revalorisation du travail manuel » (1975–1981), Sylvain Laurens & Julian Mischi
« Maintenant la priorité est aux travailleurs manuels ! ». C’est sous ce slogan qu’une politique gouvernementale s’engage en janvier 1976 sous l’impulsion de Lionel Stoléru, nommé par Valéry Giscard d’Estaing secrétaire d’État à la Condition des travailleurs manuels. Il se retrouve ainsi au cœur d’une vaste campagne de valorisation médiatique en direction de « ceux qui travaillent avec leurs mains » : il évoque leur sort dans les journaux ou lors de débats télévisés, mais aussi à l’occasion de rencontres organisées avec des ouvriers dans le cadre d’un tour de France des usines ou lors de la remise de la médaille du meilleur ouvrier de France. Les discours publics sur les formes d’opposition entre travail « intellectuel » et « manuel » sont bien sûr bien plus anciennes ; mais elles semblent toutefois subitement (re)devenir d’actualité dans une conjoncture marquée par les débats publics autour de la « crise » et par les différentes stratégies gouvernementales et patronales de réponse aux conflits sociaux qui éclatent dans le sillage de mai-juin 68.
La division « intellectuel / manuel » ou le recto-verso des rapports de domination, Entretien avec Paul Willis, Sylvain Laurens & Julian Mischi
Je n’en appelle pas à porter attention aux « frémissements d’en bas » avec une sorte de romance, de nostalgie ou même dans l’espoir de répondre à la question d’Howard Becker « De quel côté sommes nous ? » J’en appelle à une compréhension des rapports sociaux proprement scientifique. Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser les classes, laissant derrière nous cette vision d’une opposition entre des blocs homogènes qui se font face comme des armées. Maintenant que nous n’avons plus les garanties offertes par ces structures immuables proposées par le marxisme, l’étude des sentiments de classe et de la production de sens doit être construite empiriquement depuis le bas afin de comprendre comment il est possible pour des individus de faire face de façon imaginative au fait de ne devoir qu’à leur force de travail de ne pas tomber dans une forme de déchéance. C’est à ce prix que l’on comprendra que ce qui s’apparente à une solution dans un lieu social peut être un problème dans un autre.
Retour sur le paradoxe de Willis : les destins scolaires des jeunes d’origine populaire dans l’École massifiée, Ugo Palheta
Même si ce qui interpelle Willis tient non dans la mesure des inégalités de destin scolaire et social, mais dans les modalités concrètes de la reproduction sociale, il nous semble nécessaire de revenir sur ce soubassement dans la mesure où celui-ci est aujourd’hui contesté (et pas seulement par les idéologues libéraux de la méritocratie scolaire). L’argument mobilisé consiste à affirmer que les vagues de « démocratisation scolaire », même limitées quant à leurs effets égalisateurs, auraient permis à une fraction significative des jeunes d’origine populaire d’accéder à l’enseignement supérieur, et auraient ainsi rendu crédible pour les familles populaires la perspective d’une mobilité sociale par l’École, à tel point que ces dernières se seraient « converties » au modèle des études longues. Il n’est pas possible de réfuter en un court article cet argument mais, en mobilisant quelques résultats issus d’une étude sur l’enseignement professionnel et son public, on voudrait montrer que la thèse de Willis demeure pertinente pour analyser le système d’enseignement français contemporain.
Entre lycée professionnel et travail ouvrier : la « culture anti-école » à l’œuvre ou la formation des destins sociaux, Audrey Mariette
Ce que les membres de l’institution scolaire interprètent comme des « démotivations » qui seraient elles-mêmes liées à des « orientations par défaut » dans la voie professionnelle et qui expliqueraient les « décrochages scolaires » et les « déscolarisations » s’éclairent de manière différente à l’aune de la culture propre aux jeunes enquêtés, comme des attitudes « anti-conformistes » non réductibles à la notion d’ « échec scolaire ». En effet, « en pénétrant les contradictions qui forment le noyau de l’école ouvrière, la “culture anti-école” aide à libérer ses membres du poids du conformisme et des réussites conventionnelles. » La mise en équivalence entre arrêt d’études et « échec scolaire » est ainsi le fait de l’institution scolaire, de même que « l’orientation par défaut », la « démotivation » ou encore le « décrochage » sont des catégories de pensée relevant du langage institutionnel. La notion elle-même d’échec nécessite dès lors d’être déconstruite (voire refusée) parce qu’elle impose l’idée que les jeunes concernés seraient du côté des « vaincus » alors que ce qui est considéré par l’institution comme un « échec » peut être vécu comme un « succès », une « réussite » par ces mêmes jeunes, à travers l’accès et la valorisation de l’indépendance.
Les enjeux de l’apprentissage du métier d’agriculteur pour la reproduction sociale du groupe, Lucie Alarcon
À la famille et l’école, s’ajoute un troisième acteur placé en situation d’intermédiaire dans la formation des agriculteurs : la profession, à travers entre autres le rôle joué par les maîtres de stage. En effet, dans l’enseignement agricole et plus largement dans l’enseignement professionnel, les élèves effectuent des stages en entreprise, de durée variable en fonction du type d’établissements. Les organismes agricoles, comme les syndicats, les coopératives, les centres de gestion ou les chambres d’agriculture interviennent ainsi à travers les formations continues et réunions d’information qu’ils proposent. On le pressent : le métier d’agriculteur tel qu’il est transmis dans les familles, les centres de formations et les stages pratiques n’est peut être pas toujours exactement le même. Entre transmission familiale, scolaire et « experte » du métier, les jeunes agriculteurs sont soumis à des injonctions contradictoires et des façons différentes d’appréhender le métier.
Se trouver à sa place comme ouvrier ? L’ajustement progressif au travail d’ouvrier qualifié, Séverine Misset
Si dans le cas des ouvriers non qualifiés, on constate un rejet massif du destin ouvrier associé à une dévalorisation de l’enseignement professionnel, au sein de la population des ouvriers professionnels, on est au contraire frappés par l’apparition de discours positifs sur l’école ainsi que par l’affirmation récurrente d’une « fierté » relative au travail exercé. Au cours des entretiens, ces ouvriers professionnels semblent mettre en avant leur appartenance à une forme d’ « élite ouvrière » tant au sein du lycée professionnel qu’au sein de l’atelier de fabrication. Cet article se fixe alors pour objectif d’analyser ce rapport positif au travail exprimé par la plupart de ces ouvriers qualifiés, et pour une partie d’entre eux le rapport positif à l’enseignement professionnel, en montrant comment s’opère un ajustement progressif à la condition d’ouvrier qualifié.
HISTOIRE RADICALE
Victorio Vidali, Tina Modotti, le stalinisme et la révolution, Claudio Albertani, traduit de l’italien par Miguel Chueca, présentation de Charles Jacquier
LA LEÇON DES CHOSES
Dossier « Actualités de Perry Anderson. Portrait d’un intellectuel marxiste britannique »
Perry Anderson et les « nouvelles gauches » française et britannique, Philippe Olivera
Sur la réaction en chaîne dans le monde Arabe, Perry Anderson, traduit de l’anglais par Étienne Dobenesque

vendredi 1 avril 2011

en ligne: Sociétés & Représentations n° 15, 2003/1, Repenser le réalisme socialiste

Page 5 à 11
Paul Aron et Gisèle Sapiro,   Présentation

I. Études

Page 13 à 38
Philippe Baudorre,   Le réalisme socialiste français des années Trente : un faux départ

1. L’importation du réalisme socialiste en France : conditions et enjeux

Page 39 à 63
Jean-Charles Ambroise,   Entre littérature prolétarienne et réalisme socialiste : le parcours de Tristan Rémy

Page 65 à 76
Michel Trebitsch, Jean-Richard Bloch et la défense de la culture

Page 77 à 96
Bernard Pudal,   Récits édifiants du mythe prolétarien et réalisme socialiste en France (1934-1937)

Page 97 à 111
Sophie Cœuré,   Les récits d'URSS de Paul Nizan : à la recherche d'un réalisme socialiste de témoignage (suivi d'extraits inédits de « souvenir de Bakou »)

Page 113 à 131
Nicole Racine,   « La Querelle du Réalisme » (1935-1936)

2. De l’épopée de la Résistance à la routinisation jdanovienne

Page 133 à 153
Daniel Virieux,   La « direction des intellectuels communistes » dans la Résistance française Missions-organisation-pratiques

Page 154 à 176
Gisèle Sapiro,   Formes et structures de l'engagement des écrivains communistes en France De la « drôle de guerre » à la Guerre froide

Page 177 à 194
Reynald Lahanque,   Les romans du réalisme socialiste français

Page 195 à 214
Lucie Fougeron,   Un exemple de mise en images : le « réalisme socialiste » dans les arts plastiques en France (1947-1954)

3. Pratiques et jugements littéraires

Page 215 à 228
Paul Aron,   Être ou ne pas être réaliste socialiste : l'exemple d'Elseneur de Pierre Courtade

Page 229 à 246
Philippe Olivera,   Aragon, « réaliste socialiste » Les usages d'une étiquette littéraire des années Trente aux années Soixante

Page 247 à 259
Benoît Denis,   les écrivains engagés et le réalisme socialiste (1944-1953)

Page 261 à 292
Ioana Popa,   Le réalisme socialiste, un produit d'exportation politico-littéraire

Page 293 à 306
Frédérique Matonti,   « Il faut observer la règle du jeu » Réalisme socialiste et contrebande littéraire : La place rouge de Pierre Courtade

II. Dossier

Page 307 à 324
Lucia Dragomir,   L'implantation du réalisme socialiste en Roumanie

1. Pistes : Vu d’ailleurs

Page 325 à 343
Petru Negură,   L'union des écrivains moldaves à l'époque jdanovienne : de la répression à la violence symbolique

Page 345 à 361
Virginie Devillez,   La faucille ou le pinceau ? Le dilemme des artistes belges face au Réalisme socialiste

Page 363 à 368
Michel Aucouturier,   Du nouveau sur le « réalisme socialiste » ?

2. Lectures

Page 369 à 377
  Lectures

3. Bibliographie

Page 379 à 387
  Bibliographie

III. Hors-cadre

Page 389 à 407
Franck Poupeau,  La « peur du gendarme » Notes sur la politique sécuritaire d'une ville ordinaire
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