Pierre Bourdieu et Monique de Saint-Martin
La sainte famille
L'épiscopat français dans le champ du pouvoir
Raisons d'Agir
Microcosmes
2025
Présentation de l'éditeur
Il y
a des enquêtes mythiques – et mystérieuses – en sciences sociales. La
recherche sur les évêques menée par Pierre Bourdieu et son équipe en est
une. Ce texte n’a jamais été repris dans un livre, tout en ayant connu
un destin à la fois fondateur et invisible dans les études sur les
religions. Des cohortes entières de clercs, de théologiens,
d’intellectuels catholiques, sont analysés dans cette enquête pour
montrer comment l’épiscopat en tant que champ du pouvoir religieux
officiellement institué s’inscrit au centre du champ du pouvoir symbolique.
Si
les évêques occupent une position temporelle dominante au sein du champ
du pouvoir religieux, la comparaison avec les autres fractions de la
classe dominante fait voir que les évêques réalisent au plus haut degré
toutes les contradictions inscrites dans la position de dominant dominé :
ils exercent un pouvoir temporel dans l’univers au spirituel, ils ne
possèdent ni l’autorité proprement religieuse (monopole des théologiens
et des religieux), ni le pouvoir temporel, ni même le prestige attaché
au renoncement du pouvoir. Ils doivent se satisfaire d’un pouvoir
officieux, voué à la mauvaise foi et aux procédés du double sens et de
l’euphémisme.
L’Église
n’existe vraiment que dans la relation entre l’Église objectivée dans
des biens, des bâtiments, des instruments liturgiques, et surtout sous
la forme d’une technologie sociale, et l’Église incorporée sous la forme
d’habitus catholiques, produits par la famille chrétienne et consacrés
par des rites d’institution. Église faite homme, le dignitaire
ecclésiastique peut exercer le pouvoir de consécration qui fait les
biens et les gens d’Église ; il peut aussi incarner dans une parole une
et indivisible les milliers d’actions et de réactions concurrentes qui
font l’existence de ce que l’on appelle l’Église.
Le
texte « La sainte famille » est accompagnée par une double mise en
contexte, avec une préface par l’un des meilleurs spécialistes
contemporains de sociologie des religions, Josselin Tricou, et une
postface de la co-autrice Monique de Saint-Martin, qui donne à revoir
les coulisses de l’enquête.